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Critiques

Les Immémoriaux, Victor Segalen (par Marianne Braux)

Ecrit par Marianne Braux , le Mercredi, 06 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

Les Immémoriaux, 316 p. 5,60 € . Ecrivain(s): Victor Segalen Edition: Mercure de France

 

 

Tahiti, aux premiers temps de la colonisation. Térii, jeune récitant de la communauté maorie, est victime d’un trou de mémoire lors d’une récitation rituelle des « beaux parlers originels où s’enferment, assurent les maîtres, l’éclosion des mondes, la naissance des étoiles, le façonnage des vivants ». Dans ce trou de mémoire sacrilège, Térii perçoit aussitôt un mauvais présage : la disparition de la civilisation indigène, dont le lecteur suivra le déclin tout au long du roman, depuis l’arrivée des premiers britanniques jusqu’à l’évangélisation du peuple maori, cristallisé dans la métamorphose de Térii. Celui-ci, après des années d’exil dans les îles de l’archipel polynésien à la recherche de la Terre Originelle, finira par s’en retourner chez lui et par prendre le nom de Iakoba avant de devenir diacre, reniant ainsi définitivement ses origines.

Les frôlements infinis du monde, Richard Rognet (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 06 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Les frôlements infinis du monde, mars 2018, 152 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Richard Rognet Edition: Gallimard

 

 

Quelle déception quand le poème attendu, tant vanté par ailleurs, rassemble plus de défauts que d’atouts !

Et pourtant, les thèmes – une nature touchée du regard, une attention de tous les instants aux « frôlements » – ne sont pas étrangers, au contraire intimement proches.

L’écriture, alors, concède des agacements : ainsi, pourquoi ces incessants retour à la ligne, à d’autres vers, quand le poème en prose s’impose de lui-même aux yeux de son auteur ? Lisons :

Shiloh, Shelby Foote (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 05 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Rivages

Shiloh, traduit de l'américain par Olivier Deparis, février 2019, 200 p. 20 € . Ecrivain(s): Shelby Foote Edition: Rivages

Shiloh est comme un écho en avance, une préfiguration, du grand œuvre que Shelby Foote écrira entre 1958 et 1974, « La Guerre Civile : une histoire », gigantesque entreprise de 3000 pages, en 3 tomes, qui fait aujourd’hui référence aux USA sur cette période dramatique de leur histoire. Une sorte de pont avancé – ce roman date de 1954 - qui fait charnière dans l’œuvre de Shelby Foote entre sa vocation littéraire et sa passion historique. Mais Shiloh est absolument un roman. Il prend les événements de l’histoire (la bataille de Shiloh en avril 1862) et en fait une fiction. Le travail de l’écrivain consiste à trouver les voix – celles des soldats imaginaires des deux camps qui vont scander l’horreur de ces deux journées – et les transposer en récit dont la pâte est intimement pétrie de l’histoire et de la fiction.

Autant commencer par là, Shiloh est un chef-d’œuvre bouleversant, une symphonie funèbre aux hommes martyrisés, déchiquetés, réduits à des corps de souffrance et de mort par une guerre dont l’absurdité et la violence les dépassent totalement, même s’ils croient en la justesse de leur cause. C’est d’ailleurs là, probablement, le pire : ces hommes sont, d’un côté comme de l’autre, la plupart du temps convaincus du bien-fondé de leur cause. La sauvagerie des combats, l’absurdité stratégique de cette bataille en particulier, sont nourris de cet enthousiasme !

Le Monde des hommes, Pramoedya Ananta Toer (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 05 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Asie, Roman, Zulma

Le Monde des hommes, octobre 2018, trad. indonésien Dominique Vitalyos, 528 pages. 10,50 € . Ecrivain(s): Pramoedya Ananta Toer Edition: Zulma

 

La littérature de Java, l’île lointaine.

Dans une époque qui privilégie le court, la rapidité et l’injonction d’être bref, il y a un plaisir indéniable à se plonger dans un œuvre longue et qui impose sa lenteur. Il existe de ces ouvrages de longue haleine et qui ont en eux un « souffle », comme l’on dit. C’est le cas du récit de Pramoedya Ananta Toer, Le Monde des hommes, paru aux éditions Zulma. L’ouvrage est le premier tome d’une somme romanesque Buru Quartet paru initialement en 1980 et qui avait déjà connu une première traduction en français. Les éditions Zulma proposent une traduction renouvelée de D. Vitalyos.

Pramoedya Ananta Toer, dit Pram (1925-2006) est l’écrivain majeur de l’Indonésie dont la renommée est trop confidentielle en France. Il a subi une persécution en raison de son engagement par les autorités coloniales néerlandaises et ensuite lorsque Sukarno et Suharto furent au pouvoir. Il a été emprisonné près de dix-sept années. Et l’on a souvent parlé de lui comme un nobélisable, tant son œuvre monumentale atteint une forme d’universalité.

A chaos, chaos et demi, Carine-Laure Desguin (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 05 Février 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

A chaos, chaos et demi, éditions La P’tite Hélène, novembre 2018, 62 pages, 12 € . Ecrivain(s): Carine-Laure Desguin

 

Grattant la matière sociale (dans le sens « société ») en parallèle avec la fouille de mots mouvementés en tout sens, Carine-Laure secoue le cocotier de manière à éparpiller le produit de ses intenses réflexions, l’intention passant par une sorte de tunnel faisant office de révélation chaotique (un peu à l’instar des NDE, ces personnes revenues d’un monde parallèle après un accident).

Le chaos de mots, mêlés ainsi dans un relatif désordre non pas par le style comme les surréalistes, mais plutôt par la construction un peu empirique, devient le prétexte du livre, ceci en dehors de toute provocation gratuite : « Des hochets de sang rhésus O, à jamais rhésus O, dans cet entre-deux d’un état des lieux, éclaboussant l’échelle des gènes, des nervures d’ions positifs et d’ions négatifs, des transgenres de tous les chiffons, des épousailles sur papier glacé d’une armée de poupées barricadées jusqu’aux racines carrées de leurs dents ».

On passe d’« errances éternelles » en langage presque codé comme dans une écriture à la « Dotremont » avec une mise en place d’idées sous-jacentes pourtant claires dans leurs dénonciations, même « si le tombeau des jours d’avant ignorait tout de ces saccages, de ce chaos à chaos et demi ».