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Critiques

Poèmes en prose, et autres poèmes inédits, Ivan Tourgueniev (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 08 Avril 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Russie, Poésie, Editions Maurice Nadeau

Poèmes en prose, et autres poèmes inédits, novembre 2018, trad. russe Christian Mouze, 150 pages, 22 € . Ecrivain(s): Ivan Tourgueniev Edition: Editions Maurice Nadeau

Un beau livre aux pages de belle texture d’avorio 90g sous couverture cartonnée : on ne pouvait guère faire moins pour cette traduction française originale des Poèmes en prose et autres poèmes inédits d’Ivan Tourgueniev, considéré comme « le plus français des poètes russes ».

Il s’agit de courts textes qui, pour la plupart, consistent en la saisie sur le vif d’un élément naturel, ou en l’attrapage au vol d’une pensée de passage, ou en la capture d’une scène anodine, à partir de quoi l’auteur développe un point de vue ou confie une émotion, un sentiment, un aveu, une vision, une hypothèse, une interrogation. Sauf quelques très rares exceptions de pièces versifiées, ces morceaux de ce qui s’apparente à d’ultimes propos ante mortem, pour certains quasiment testamentaires, sont donc écrits en prose.

Le dernier texte du volume, plus long, appartient spécifiquement au genre du récit. Intitulé La Caille, il met en scène un souvenir d’enfance de Tourgueniev ayant pour action une partie de chasse avec son père, au cours de laquelle se produit un événement qui lui fait perdre définitivement le goût de chasser.

Assommons les poètes !, Sophie G. Lucas (par Sylvie Zobda)

Ecrit par Sylvie Zobda , le Lundi, 08 Avril 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Anthologie, La Contre Allée

Assommons les poètes !, mars 2018, 156 pages, 10 € Edition: La Contre Allée

 

Sophie G. Lucas convoque dès le titre de son dernier recueil de poésie les plus grands. Comme Baudelaire et son Assommons les pauvres !, elle rappelle que vivre de l’écriture poétique relève du combat, le paysage littéraire laissant peu de place à ce genre. « Ecrire de la poésie de nos jours est une forme de résistance ». Le livre est un témoignage. Un Témoin (pour reprendre le titre de son précédent ouvrage édité lui aussi à La Contre Allée en 2016) de sa vie de poète.

Quatre temps organisent l’ensemble :

* Dans Ecrire, Faire écrire, elle évoque son quotidien, chez elle ou lors des ateliers d’écriture en milieu scolaire ou carcéral. La bataille de la reconnaissance, de la transmission bat son plein. Rien n’est jamais acquis. Pourtant, elle ne désespère pas.

« De petits cailloux ont été semés derrière moi. Je retrouverai mon chemin. Je reviens dans quelques mois. Semer encore quelques cailloux » (Je suis cet homme).

Je connais des îles lointaines, Louis Brauquier (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 08 Avril 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Je connais des îles lointaines, mai 2018, 576 pages, 10,50 € . Ecrivain(s): Louis Brauquier Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Voici les « poésies complètes » d’un fou de Marseille et des voyages, explorateur né des contrées, son travail dans les Messageries Maritimes lui fait humer la mer et les lointains comme personne, à la fois en expert, en poète, en sensuel ouvert à l’autre monde (« la nuit de l’Amérique » ou « le vent d’Egypte (qui) sent le sable »). Mais il n’a pas négligé son port d’attache, sa ville phocéenne, dont il illustre l’âme, les quais, les places, avec ce pointillisme aigu des « souvenirs/ qu’une montée de crépuscule » avive ; et parfois, dans l’odeur d’un café, il fait bon s’arrêter : « asseyons-nous… pour reposer vos yeux/ Je veux que vous tourniez vers l’ombre votre tête ;/ Nous boirons des anis ruisselants et joyeux » (p.129).

Fidèle aux normes classiques, à la prosodie, ouvert à d’autres formes non rimées, comme il l’est assez facilement aux sollicitations du monde : « goût de forêt vierge », « l’insolite a crié pendant la méridienne », ou encore cet amoureux des rencontres renouvelées avec un passé enfui : « Rencontré Guastalla dans la rue Paradis/ où le temps du lycée et plus d’un demi-siècle ?/ Jeune, il avait un doux visage de marrane » (p.432).

Battre l’immense, Béatrice Libert (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 05 Avril 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Battre l’immense, Revue Nunc, éditions De Corlevour, 2018, 74 pages, 15 € . Ecrivain(s): Béatrice Libert

 

Chez Béatrice Libert, le poème brasse le quotidien ; le mot est dans chaque geste, dans chaque attente.

Vivant en poésie, presque en « Petit Poucet », elle (je) « pose ses galets sur la page/ Et trace en silence la Voie prodigieuse/ De l’émerveillement ».

En effet, le poème et le jour ne font qu’un dans sa belle assimilation à ouvrir un visage ou éclairer une nuit (« Eteignez la lumière/ Ouvrez votre visage/ Laissez-les éclairer votre nuit/ »).

En recherche de cette communication ultime pensée en « lettre d’amour », dans « une portion étrange et vide/ Décalée du réel/ A l’intervention du fracas », la poète, funambule en mots de Vie, sait que « même les écureuils/ Connaissent le vertige ».

C’est que, Béatrice, équilibriste en mots simples, gère le poème de main de maître avec une sorte de fracas qui l’habite, mais sans état d’urgence. Toute appellation serait-elle donc vaine puisque « l’arbre n’est pas l’arbre » et que « le (ce) poème/ N’est pas un poème/ ».

Le Murmure des oliviers, Giuseppe Bonaviri (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 04 Avril 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Italie, Verdier

Le Murmure des oliviers (La Contrada degli ulivi, 1975), octobre 2018, trad. italien Jacqueline Bloncourt-Herselin, 110 pages, 7 € . Ecrivain(s): Giuseppe Bonaviri Edition: Verdier

 

L’Italie a ce secret précieux de nous délivrer régulièrement des pépites littéraires éblouissantes et peu connues. Et Verdier Poche a ce secret de les dénicher et de nous les offrir. Comme le merveilleux Maison des autres de Silvio d’Arzo, Le Murmure des oliviers est une novella qui prend ses racines dans la vie rude et pauvre des montagnards. Ici, on est en Sicile orientale, parmi les paysans plus que pauvres qui tentent de survivre sur la terre ingrate, caillouteuse et sèche que le ciel leur a donnée.

Massaro Angelo, sa famille, ses voisins scrutent le ciel à longueur de vie, guettant là la pluie, là le soleil, lisant les nuages comme un livre qui leur dirait leur destin pour les mois, les jours à venir. La survie en dépend pour les familles accrochées aux pentes des monts, misérables mais solidaires. Même le petit âne de Massaro Angelo, Grison, scrute le ciel !

D’un versant à l’autre de la petite vallée, d’une maison à l’autre, les hommes et les femmes se saluent, comme dans une symphonie surgie du fond des âges.

« Holà, massaro Angelo ! On ne voit pas un seul nuage. Et les terres réclament de l’eau ! ».