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Critiques

L’Exposition, Nathalie Léger (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 06 Janvier 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, P.O.L

L’Exposition, Nathalie Léger, janvier 2020, format Poche, 160 pages, 9 € Edition: P.O.L

 

L’enfance de l’art

Ressort en format Poche le premier livre de Nathalie Léger paru aux éditions P.O.L en 2008. L’auteure fait preuve déjà de son goût et de son intérêt pour les « images » oubliées comme elle le réalisa aussi dans Supplément à la vie de Barbara Loden.

À l’occasion d’un projet d’exposition sur La Ruine, la narratrice relate sa rencontre inopinée avec une héroïne oubliée du second Empire : la comtesse de Castiglione. Elle en remonte l’histoire à partir d’un recueil de photographies retrouvées dans sa bibliothèque. Adulée pour sa grande beauté mais aussi pour sa prétention et sa triste fin, cette femme a entretenu un rapport étrange avec sa propre image. Elle avait dérisoirement confié le sens de sa vie à la photographie. Adepte narcissique de son reflet, elle n’a cessé de se faire capter par l’appareil photographique. Celui-ci au fil du temps renvoie moins la beauté qu’une solitude. Elle transparaît dans une suite de portraits qui rendent compte des émerveillements comme des échecs d’une existence.

Antigone, Sophocle (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 20 Décembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Folio (Gallimard), Théâtre

Antigone, Sophocle, trad. grec ancien Jean Grosjean, préface Jean-Louis Backès, notes et lexique Raphaël Dreyfus, 208 pages, 4,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

On lit : « Le voilà mort avec la morte* ; le malheureux / consomme ses noces dans les demeures de l’Hadès ; / il montre aux hommes combien la déraison / est le plus grand mal de l’homme ». On lit aussi : « La morte t’a accusé d’être la cause / de cette mort-ci et de cette mort-là ».

On l’entend : ce qui frappe, dans cette traduction du grec ancien, ce sont les répétitions. Belle traduction d’Antigone (aussi belle, aussi puissante, et plus juste, que celle que fit, en son temps, Hölderlin), d’un homme – Jean Grosjean – qui comprit pleinement, en tant que traducteur, en tant que commentateur des évangiles, en tant que poète, en tant que conseiller littéraire enfin, la valeur d’enfance de la répétition, et permit la naissance, en poètes (la seconde naissance n’est-elle pas seule véritable, à défaut d’être la plus émouvante ?), d’Alexandre Romanès et de Lydie Dattas, qui ont su faire leur miel des répétitions. Qui ont su en faire leurs fleurs. Pour que le lecteur puisse venir = puisse les butiner. Puisse exprimer son devenir-abeille.

Djamilia, Tchinghiz Aïtmatov (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Décembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Russie, Roman, Folio (Gallimard)

Djamilia, Tchinghiz Aïtmatov, trad. kirghiz, A. Dmitrieva, Louis Aragon, 125 pages, 3 € Edition: Folio (Gallimard)

Ce court roman nous vient du Kirghizistan. Autant dire du bout du monde, en particulier en matière de littérature. Aïtmatov a écrit dans une langue qui n’a cessé d’être bousculée tant à l’oral qu’à l’écrit. Surtout à l’écrit, jugez-en : 1924, instauration de l’alphabet arabe (premier système à faire naître la langue kirghize à l’écrit). 1928, l’alphabet latin s’installe. 1941, arrivée de l’alphabet cyrillique, encore en vigueur aujourd’hui.

Quant à la littérature kirghize, on compte ses écrivains sur les doigts d’une main ou deux, Aïtmatov étant assurément le plus « connu » en France, grâce à Aragon qui a traduit ce roman (avec A. Dmitrieva) et surtout a dit de lui qu’il était « la plus belle histoire d’amour du monde ».

Sans être d’accord avec Aragon – les plus belles histoires d’amour sont depuis toujours les histoires d’amour impossible (Héloïse et Abélard, Tristan et Yseut, Roméo et Juliette, …) – on peut néanmoins dire que l’histoire d’amour que raconte ce livre est d’une rare beauté. On parle souvent de minimalisme en littérature. Avec ce roman on frise le… silence. Les moyens déployés, la structure narrative, l’épaisseur des personnages, tout y est d’un dépouillement total, à l’image du cadre de vie, la campagne glacée du Kirghizistan. A l’image aussi d’une société quasi primitive, aux travaux de la terre et à l’activité nourricière.

Substance, Claro (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 19 Décembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Substance, août 2019, 352 pages, 21,80 € . Ecrivain(s): Claro Edition: Actes Sud

 

Après une vingtaine de livres, Claro, né en 1962, propose ici un livre complètement hors cadre, déjeté, décalé, nourri d’une fiction qui mêle personnages réalistes, science-fiction, théorie sur les ectoplasmes, réflexions nombreuses sur la vie, la mort.

Tout se passe dans la ville natale de Bachelard, Bar-sur-Aube, autant dire la province la plus reculée. On y trouve Benoît, narrateur, et sa Tante, qui l’a recueilli après la DASS, les trois amies de la Tante, Ginèbre, Jacqueline, Yvette, sans oublier Marguerite, qui a été « abductée » par des puissances spatiales…

Tout ce petit monde vit dans des maisons hors du temps, poussiéreuses ; on y pratique le spiritisme, on y croit à la « substance » des ectoplasmes, ces fluides des humains, conservés comme des fioles.

Jacques Cauda : Profession de foi / Vita Nova (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 18 Décembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

. Ecrivain(s): Jacques Cauda

 

Profession de foi, Tinbad, octobre 2019, 144 pages, 18 €

Vita Nova, Editions Unicité, mai 2018, 108 pages, 14 €

 

« Au delà de l’expression “manger des yeux”, la peinture a beaucoup à voir avec le corps bu et le corps mangé. Boire ses paroles, dit-on, car les images sont des paroles silencieuses qui s’échangent de l’un à l’autre » (Profession de foi).

« Pédaler n’est-il pas ajouter du sien à la réalité du paysage, de la même façon qu’écrire distingue la réalité du monde d’avec l’acte qui en même temps le dépose ? Mémoire des mains pour mémoire des jambes… » (Vita Nova).