Quand chez un poète on ne comprend pas tout (et c’est le cas ici, comme chez Christian Guez, Raphaële George, Joë Bousquet ou Éric Sautou), on sait que, si l’auteur est honnête et profond (ce qui est aussi le cas ici), sa poésie lui est en tout cas un moyen de mieux se comprendre, et on aime alors l’accompagner dans sa propre ressaisie. Par exemple, si l’on ne saisit rien dans ce recueil qui éclaire ou justifie son titre (« Sphère »), on fait pourtant confiance, on en cherche les raisons avec lui. On y devine un vœu d’invariance, de compacité, d’égale et universelle polarité (sur la surface d’une sphère, tout point a son antipode), de suffisance et complétude. Mais tout cela, bien sûr, dans l’univers des mots : sa sphère de présence est pour l’auteur, comme pour tout être parlant, tout ce qu’il peut atteindre par langage, tout ce qu’il tient personnellement à portée d’énonciation. C’est, si l’on peut dire, sa boule active de sens, singulière (pas d’oranges ou de balles de tennis à empiler ici, il n’y aura qu’une sphère, qu’une seule bulle de monde) et cohérente (pas nécessairement homogène, mais reformant sans cesse son unité – comme si à la fois elle se protégeait du reste – en minimisant sa surface exposée au-dehors et répartissant au mieux sa propre tension – et complétait sa propre substance, comme une vie prend soin d’ajouter d’abord à elle ce qui la renforce, de densifier sa propre liberté, s’efforçant de demeurer contemporaine d’elle-même et soigner l’impulsion de son auto-navigation).