Identification

Critiques

Dans les rêves, Delmore Schwartz (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 20 Mars 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Poésie, Rivages, Cette semaine

Dans les rêves, Delmore Schwartz, Rivages, octobre 2024, trad. anglais (USA), Daniel Bismuth, Préface Lou Reed, Postface Thierry Clermont, 432 pages, 10 € Edition: Rivages

 

Séries métropolitaines du « poète des poètes »

Dans les rêves est un recueil de plusieurs nouvelles du grand poète et romancier Delmore Schwartz, né à Brooklyn en 1913 dans une famille juive originaire de Roumanie et relativement aisée. En 1959, il est le plus jeune auteur américain à se voir décerner le Bollingen Prize. Au début des années 1960, Schwartz sombre dans l’alcoolisme et une forme aggravée de dépression, vivant reclus dans un hôtel à Manhattan où il décède en 1966.

Ses récits, sous la forme d’instantanés parfois cruels, sont sûrement en grande partie autobiographiques. Les évocations du passé de Delmore Schwartz se déroulent, se brisent puis reviennent pareilles aux « vagues [qui] prennent leur élan de loin et se dressent lentement ». Il s’agit principalement de recréer des liens filiaux, sociaux, d’amitié « dans l’immense aliénation de la vie métropolitaine ».

Portrait de l’artiste en jeune chien (Portrait of the Artist as a Young Dog, 1947), Dylan Thomas (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 19 Mars 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Points, En Vitrine, Cette semaine

Portrait de l’artiste en jeune chien (Portrait of the Artist as a Young Dog, 1947), Dylan Thomas, Points Signatures, 2013, trad. anglais, Francis Dufau-Labeyrie, 220 pages, 8,40 € Edition: Points

 

Le titre annonce la couleur : en 1916, James Joyce publiait A Portrait of the Artist as a Young Man (Portrait de l’artiste en jeune homme), roman autobiographique. En 1940, Dylan Thomas lui emboîte le pas, mais à sa façon. Comme son aîné irlandais, le jeune chien gallois entreprend ici un récit autobiographique de ses jeunes années, mais il le fait sous la forme rare d’un recueil de nouvelles, épisodes de sa jeunesse. Hommage au maître de Dublin et pied-de-nez à ses panégyristes patentés.

Chaque nouvelle raconte un moment bref de la jeunesse de l’auteur. On est loin du flux de conscience joycien : ici, la narration est extérieure, Thomas – parfois narrateur parfois acteur – reste toujours dans un regard de témoin des épisodes de sa jeune vie. Et chaque épisode est une source vive, un moment d’arrêt sur les personnages, les faits, les émotions, les folies qui, plus tard, nourriront les poèmes brûlants du barde gallois.

Personne ne quitte Palo Alto, Yaniv Iczkovits (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 18 Mars 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard, En Vitrine, Israël, Cette semaine

Personne ne quitte Palo Alto, Yaniv Iczkovits, Gallimard, Coll. Du monde entier, mars 2025, trad. hébreu, Laurence Sendrowicz, 491 pages, 25 € Edition: Gallimard

 

Une histoire d’amour et de haine, une histoire étendue sur trente ans, sur ce qui a été fait, ce qu’il aurait fallu faire/ne pas faire, ce qu’il reste à faire, une histoire de temps écoulé, éculé.

Le titre de chacun des quatre chapitres au fil tenu par le temps ne révèle rien de leur substance.

On se retrouve au cœur d’une scène d’épouvante et de farce, une sorte de bizutage au cœur d’un laboratoire d’anatomie : d’où viennent les deux cadavres en trop ? Iris, policière en instance de divorce dont on évalue les capacités parentales, est envoyée sur les lieux.

Dix ans plus tard, un personnage à peine esquissé précédemment est identifié au sein de cette même salle de dissection et s’éclipse au moment d’ouvrir le thorax d’un des cadavres. C’est, en effet, une histoire de cœur : Idan a reconnu à ses mains Tobayas, un poète arabe vivant dans une maison ouverte, dans un ancien quartier misérable de Haïfa, qui l’avait abrité et dont lui-même disait qu’il n’avait pas de cœur.-

Los Muertos, Éric Calatraba (par Alix Lerman Enriquez)

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Lundi, 17 Mars 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Los Muertos, Éric Calatraba, Editions La Trace, 2024, 130 pages, 18 €

 

Un détective privé désabusé, hanté par son passé, Christian Herrera, est chargé d’enquêter par Bianca Ruiz-Cubero sur la disparition, il y a sept ans, de sa petite fille bien aimée Luisa qui a perdu ses parents dans un accident de voiture alors qu’elle n’avait que six ans. Bianca, réfugiée espagnole, déjà âgée et malade qui vit avec Paco, le grand frère handicapé de Luisa, est intimement persuadée que sa petite fille d’une vingtaine d’années est encore en vie : « Je remontai en voiture et dans le rétro, je croisai mon regard ; Tout le monde semblait avoir fait son deuil de la jeune fille après tout ce temps et… non, Pas tout le monde… pas Bianca ».

Ce récit va donc être l’occasion de suivre les méandres du détective Christian Herrera, lui aussi, fils de réfugiés espagnols, au caractère si attachant. À travers le sud de la France et les territoires désolés ou luxuriants de l’Espagne, le détective va à la recherche de Luisa, en même temps qu’il va à la rencontre de lui-même et de ses fantômes du passé :

Sphère, Didier Ayres (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Lundi, 17 Mars 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Sphère, Didier Ayres, La Rumeur Libre, décembre 2024, 128 pages, 18 €

Quand chez un poète on ne comprend pas tout (et c’est le cas ici, comme chez Christian Guez, Raphaële George, Joë Bousquet ou Éric Sautou), on sait que, si l’auteur est honnête et profond (ce qui est aussi le cas ici), sa poésie lui est en tout cas un moyen de mieux se comprendre, et on aime alors l’accompagner dans sa propre ressaisie. Par exemple, si l’on ne saisit rien dans ce recueil qui éclaire ou justifie son titre (« Sphère »), on fait pourtant confiance, on en cherche les raisons avec lui. On y devine un vœu d’invariance, de compacité, d’égale et universelle polarité (sur la surface d’une sphère, tout point a son antipode), de suffisance et complétude. Mais tout cela, bien sûr, dans l’univers des mots : sa sphère de présence est pour l’auteur, comme pour tout être parlant, tout ce qu’il peut atteindre par langage, tout ce qu’il tient personnellement à portée d’énonciation. C’est, si l’on peut dire, sa boule active de sens, singulière (pas d’oranges ou de balles de tennis à empiler ici, il n’y aura qu’une sphère, qu’une seule bulle de monde) et cohérente (pas nécessairement homogène, mais reformant sans cesse son unité – comme si à la fois elle se protégeait du reste – en minimisant sa surface exposée au-dehors et répartissant au mieux sa propre tension – et complétait sa propre substance, comme une vie prend soin d’ajouter d’abord à elle ce qui la renforce, de densifier sa propre liberté, s’efforçant de demeurer contemporaine d’elle-même et soigner l’impulsion de son auto-navigation).