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Arts

Dans la peau de Maria Callas, Alain Duault

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Samedi, 04 Mars 2017. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Le Passeur

Dans la peau de Maria Callas, février 2017, 216 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Alain Duault Edition: Le Passeur

 

Spécialiste de l’Opéra et de l’Art Lyrique, Alain Duault nous propose ici d’entendre encore une fois la voix de la Callas, à travers l’évocation fictive de souvenirs, ceux qu’elle aurait pu se remémorer dans un journal intime sur les derniers quinze jours de sa vie. Rétrospective imaginaire d’un amoureux de musique en compagnie d’une des plus grandes voix lyriques.

Voix à la fois émouvante et dérangeante que celle d’Alain Duault qui se mêle à ce « je » fictif, celui de la Callas, dérangeante par la proximité qu’il entretient. C’est presque une voix de petite fille que l’on entend par moments, mais aussi celle d’une femme malheureuse au milieu de tout ce bonheur vécu dans la passion pour son art.

Quinze jours nostalgiques, quinze jours où la mélancolie et la remontée du souvenir nous placent au plus près d’une femme qu’on a aimée, qu’on aime et qu’on aimera longtemps et ce malgré le manque qu’elle-même a pu éprouver en ce domaine.

Les artistes en se donnant au plus grand nombre sont souvent seuls. On est touché par cette voix qui n’est pas la sienne et qui dit « J’ai tant donné et j’ai si peu reçu ».

William Shakespeare, Hamlet, Aki Kuroda

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 01 Février 2017. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Gallimard, Théâtre

William Shakespeare, Hamlet, octobre 2016, trad. anglais Jean-Michel Déprats, Illustrations Aki Kuroda, 200 pages, 45 € . Ecrivain(s): Aki Kuroda Edition: Gallimard

 

Il fallait Aki Kuroda pour tenir la corde face au Hamlet de Shakespeare. Le texte risquait de manger l’image. Et il n’était pas évident de trouver un bouclier face à la pièce qui dévore tout – même ses personnages.

Face à une mise à mort – puisque tout se termine dans un « Allez, donnez l’ordre aux soldats de tirer » – Kuroda a su offrir à la fois du même, du dissemblable et du disparate en tout un jeu d’inserts là où les formes se découvrent en avançant. Si bien que le livre se lit et se regarde comme un ouvrage quasiment pieux. Mais fidèles au texte, les œuvres restent néanmoins pleines de désarroi et de discorde.

Kuroda ajoute donc ses touches au texte, ce qui tient d’une véritable gageure. L’image n’illustre pas la tragédie shakespearienne : il la « présage » comme il la « dissemble ». Au pouvoir terrifiant d’Hamlet répond la sidération des images. Le format du livre leur donne toute sa puissance. D’autant que l’art de Kuroda n’étale pas, il condense en transposant le texte dans un autre champ de perception non seulement intellectuelle mais sensorielle.

L’Enfant aux cerises, Jean-Louis Baudry

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 25 Janvier 2017. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres, L'Atelier Contemporain

L’Enfant aux cerises, 2016, préface et photographies Alain Fleischer, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Baudry Edition: L'Atelier Contemporain

 

L’Atelier contemporain publie en cette fin d’année un livre très utile et beau, illustré de photographies d’Alain Fleischer. C’est L’Enfant aux cerises de Jean-Louis Baudry, livre qui permet et autorise une réflexion sur la peinture. D’ailleurs, il s’agit surtout d’un recueil de douze articles pour la presse ou pour des catalogues, qui pousse le lecteur à se pencher sur les grandes interrogations de la peinture : est-elle un art du silence ? est-elle un art du temps ? comment s’articule ce qu’elle semble dire et ce que nous en disons ? quel est l’effet de la chose peinte sur l’homme d’aujourd’hui (qui peut accéder à la peinture par des reproductions) ? comment recueille-t-on en soi cette reproduction de la vie (car pour Jean-Louis Baudry, la peinture semble d’abord être figures) ?

C’est à cette rhétorique que fait appel le livre, et – peut-être même, surtout – dans une écriture d’une délicatesse extrême, ressemblant à des pages de la littérature romanesque (je pense à Proust, dont les premiers mots de La Recherche correspondent étrangement à la première phrase de l’ouvrage de J.-L. Baudry). Oui, une littérature qui s’enroulerait autour des sentiments les plus profonds, les sentiments de l’enfance (ce qui laisse entendre comment chacun de nous a été pris à un moment ou un autre par des images peintes – pour J.-L. Baudry il s’agit d’une lithographie de L’Enfant aux cerises qui ornait sa chambre). L’enfance comme imago.

L’enfant aux cerises, Jean-Louis Baudry

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Samedi, 26 Novembre 2016. , dans Arts, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, L'Atelier Contemporain

L’enfant aux cerises, novembre 2016, préface et photographies Alain Fleischer, 174 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Baudry Edition: L'Atelier Contemporain

 

Le mouvement du livre de Baudry est un faux mouvement. Certes, il débute par deux textes intimes réussis où le sémiologue évoque comment enfant il est devenu « addict » aux images. S’enchaînent ensuite d’autres articles simplement repris et choisis par le théoricien. Il égraine ses goûts artistiques et prouve qu’avec le temps il s’oriente vers un bel art, celui qui s’intègre aux grands systèmes historiques d’appropriation dont l’ancien iconoclaste est devenu un gardien des temples.

Tous les textes montrent une homogénéisation d’un art qui devient la solution imagée et imaginaire des contradictions. Le livre représente le signe de réappropriation des maîtres-penseurs dans un moule dont ils assurent l’hypostase à la fois rationnalisante et spiritualisante. Au refoulement patent du sexuel répond une propension politique. Baudry fait preuve d’un sentiment de propriétaire sur la « chose » artistique. Dans la persistance d’un « je » imperator se déploient des morceaux choisis qui sont les « points de l’esprit » chers à Breton et qui font de chaque option de l’auteur une projection icarienne dans un lieu mental hors contradiction.

Hieronymus, moi, Jérôme Bosch, Frédéric Grolleau

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 14 Novembre 2016. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Hieronymus, moi, Jérôme Bosch, Les Editions du Littéraire, Bibliothèque de Babel, novembre 2016, 292 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Frédéric Grolleau

 

500 ans après sa mort et à son « corps » défendant, Jérôme Bosch sacrifie pour notre plaisir et notre connaissance à l’autofiction. Frédéric Grolleau le fait parler en un journal intime enrichi de différents documents. Apparaissent les Riches Heures d’un peintre majeur pour lequel l’occultisme devint le ferment d’une esthétique où sont repoussées les dimensions « classiques » du bien et du mal, de la beauté et de la laideur, du multiple et de l’un.

Au service de son sujet, Grolleau va plus loin philosophiquement et littérairement que dans ses biopics de Nicolas Rey et de Tintin en ce qui tient d’une anaphore. Elle ouvre le monde loin de ses attendus en vue d’atteindre une infinitude que peu de peintres ont su toucher d’aussi près. Existe dans l’œuvre de Bosch beaucoup d’atmosphère, beaucoup de souffle souterrain, de « mêmeté » et de beauté moniste. Mais perdurent autant d’altérité et de beauté et laideur convulsives.