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Actes Sud

Madame Hayat, Ahmet Altan (Par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Août 2022. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman

Madame Hayat, Ahmet Altan, septembre 2021, 272 pages, 22 € Edition: Actes Sud

 

L’auteur de ce roman, journaliste et écrivain turc, Ahmet Altan, l’a composé en prison, il fut ainsi accusé d’avoir participé au putsch de 2016. Sans être un roman totalement politique, le livre multiplie les thèmes : l’initiation amoureuse, la vie des étudiants, l’insécurité dans une ville jamais nommée – on pense évidemment à l’une des grandes villes turques, le contrôle de la presse, l’interdiction de revues réflexives, etc.

Fazil, jeune étudiant en lettres, vit en communauté dans un pauvre gourbi avec des déclassés, un Poète, une famille pauvre. Pour arrondir son budget universitaire, il participe comme figurant dans toute une série d’émissions télévisées. C’est d’ailleurs là qu’il rencontre pour la première fois Madame Hayat, qui a l’âge de sa mère et la séduction d’une jeune. C’est tout de suite une relation intense.

Peu après, c’est une jeune fille, Sila, qui l’intéresse aussi. D’une femme l’autre, Fazil fait ainsi l’expérience de l’amour. Avec sa complexité, avec ses doutes, avec ses fines connaissances de l’âme humaine.

Terres voraces, Sylvain Estibal (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Jeudi, 18 Août 2022. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Terres voraces, Sylvain Estibal, février 2022, 176 pages, 16,80 € Edition: Actes Sud

 

Je viens de refermer ce livre d’une noirceur incandescente. Les mots lacèrent la page, sondent « l’ampleur des fissures invisibles », des « séismes silencieux ». Un long voyage parmi les ombres, au milieu des fosses et de leur affreux silence, avec, au bout de la nuit, des points de lumière. Dans ce monde de lésions, d’entailles, de mépris où l’amour étouffe en silence, les tiges métalliques affrontent l’injustice, percent le sol pour faire respirer les morts engloutis par les terres voraces. – Terres de douleurs et de cris, perdues dans l’immensité de l’absence. Les mots qu’on lit sont des lambeaux de chair découpés au scalpel, qui forment une « grammaire des suppliciés ». Un monde très vaste avec sa « géographie, ses vastes étendues, ses reliefs et ses tracés », fait de « marbrures de sang », de « marques azurées », de « lacérations », de « brûlures », d’« épanchements liquidiens », de « perforations », de « dislocations ». Les corps écorchés, torturés, triturés, disloqués, rappellent les momies grimaçantes de Guanajuato, les tableaux de Grünewald, Francis Bacon, Vladimir Velickovic… L’horreur est comme magnifiée par la beauté incantatoire des phrases, elles-mêmes fragmentées pour être au plus près de la douleur.

Madame Hayat, Ahmet Altan (par Fawaz Hussain)

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mardi, 01 Février 2022. , dans Actes Sud, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Bassin méditerranéen

Madame Hayat, Ahmet Altan, Actes Sud, septembre 2021, 268 pages, 22 €

 

Dans Madame Hayat, Prix Femina Étranger 2021, la Turquie de l’auteur, Ahmet Altan, est le pays de tous les dangers, le creuset des situations les plus abracadabrantesques qui se puissent imaginer. La République fondée par Mustafa Kemal sur les décombres de l’Empire ottoman n’est jamais nommée dans cette fascinante narration riche en allégories, où il est plutôt question d’un « pays », d’une « société », bref d’un « monde » qui s’en va à la dérive par la faute de ses dirigeants et de leur hystérie sécuritaire. Le « Bosphore », mentionné une fois, est un indice supplémentaire que l’action se déroule à Istanbul, l’ancienne capitale des sultans enturbannés du Palais de Topkapi et, bien avant la fameuse cité grecque de Byzance, la Constantinople de la Sainte-Sophie et des grandeurs fanées. C’est à croire qu’en taisant le nom de la ville l’auteur aspire à donner à son histoire la dimension d’une fable universelle, et puis il ne devrait pas aggraver sa situation peu enviable sous un régime autoritaire où les journalistes et les écrivains croupissent par milliers dans les geôles de l’Etat.

La Troisième Main, Des techniques matérielles aux technologies intellectuelles, Michel Guérin (par Pierre Windecker)

Ecrit par Pierre Windecker , le Mercredi, 05 Janvier 2022. , dans Actes Sud, Les Livres, Les Chroniques, Essais, La Une CED

La Troisième Main, Des techniques matérielles aux technologies intellectuelles, Michel Guérin, Actes-Sud, octobre 2021, 224 pages, 23 €

Disons-le tout de suite. A mesure qu’on avance dans la lecture de La Troisième Main, un sentiment s’installe et gagne peu à peu la force de l’évidence : voilà un livre qui fraye un chemin qui n’est pas encore relevé sur les cartes de l’anthropologie. Il ouvre dans l’enquête sur l’humain un nouvel espace de compréhension et de recherche, qui permet de se repérer tout autrement dans la traversée de champs qui ont été déjà parcourus longuement et en tous sens, parce qu’ils contiennent les enjeux les plus critiques du développement humain : le devenir historique du travail et de la technique, celui de l’écriture – depuis celle des langues dites « naturelles » jusqu’à celle des codes cybernétiques –, celui de l’économie productive et de l’antagonisme social qui ne manque jamais de l’accompagner.

Mais un chemin nouveau n’est pas un chemin surgi de nulle part : il suppose au contraire de solides camps de base à l’arrière. Il y en a ici de deux sortes, ceux que Michel Guérin a dressés lui-même dans des travaux antérieurs, notamment dans Philosophie du Geste, et ceux qui ont été édifiés et laissés en héritage dans le champ de l’anthropologie par d’autres chercheurs, parmi lesquels une place à part doit être réservée au préhistorien André Leroi-Gourhan.

Humeur noire, Anne-Marie Garat (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 02 Septembre 2021. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits

Humeur noire, Anne-Marie Garat, février 2021, 304 pages, 21,80 € Edition: Actes Sud

 

A l’occasion d’une visite au musée d’Aquitaine de Bordeaux, la ville où elle est née, où elle remarque un cartel didactique sur l’esclavage, dont la rédaction la choque profondément, Anne-Marie Garat revient sur ses années de formation, son engagement en tant que professeur de lettres, puis de cinéma au lycée expérimental de Montgeron. « J’ai donc gagné ma vie et mon entière liberté d’écrire en étant prof de lycée dans l’Education nationale, comme pas mal d’écrivains d’ailleurs ».

L’auteure nous livre ses interrogations sur le « métier d’écrivain » qui, comme celui de professeur, tiendrait soi-disant de la « vocation », comme un « idéal de vieux romantisme ». Toujours pour elle le temps d’écrire a été pris sur celui d’enseigner, sur celui de la vie courante : « Ecrire n’est pas un métier, mais un rapt, un libre choix d’existence », dû à une « addiction monomaniaque à la lecture, à l’écriture ».