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Actes Sud

Sur un nuage de terre ferme, José Tomás à Grenade le 22 juin 2019, Ernest Pignon-Ernest (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 22 Octobre 2020. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Espagne, Arts

Sur un nuage de terre ferme, José Tomás à Grenade le 22 juin 2019, septembre 2020, trad. espagnol, Yves Lebas, 78 pages, 26 € . Ecrivain(s): André Velter et Ernest Pignon-Ernest Edition: Actes Sud

 

« Son art du toreo, miracle d’harmonie azurée, accomplit ce que les poètes, d’Arthur Rimbaud à Federico García Lorca, ont voulu ardemment convoquer : l’éternité ici et maintenant, fût-elle d’une précarité de cristal, comme l’avènement même du duende ».

Sur un nuage de terre ferme est un livre écrit et dessiné pour se souvenir, se souvenir sans nostalgie aucune de cette corrida du 22 juin, comme l’on se souvient d’une musique, d’un roman, que notre mémoire avive. Sur un nuage de terre ferme est un petit livre d’admiration, admiration partagée entre un poète et un peintre-dessinateur pour un torero unique, un matador éternel. Ses apparitions sont rares, Valence, Nîmes, Grenade, il devait revenir dans la cité gardoise en ce mois de septembre, mais le virus en a décidé autrement. A Nîmes le 16 septembre 2012, une éternité, il écrit son Temps retrouvé en solitaire. Nombreux furent les spectateurs présents ce dimanche midi à se dire qu’il ne servait à rien désormais de se rendre aux arènes, tout venait d’être dit, dans l’excellence du geste.

Le Bon, la Brute et le Renard, Christian Garcin (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 03 Septembre 2020. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le Bon, la Brute et le Renard, août 2020, 323 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Christian Garcin Edition: Actes Sud

 

« Il se sentait comme atteint d’un syndrome que, faute de mieux, il avait baptisé du nom de “syndrome de la balle de ping-pong” – qui rebondit rapidement d’un point à l’autre selon un itinéraire qu’elle n’a pas décidé. Il en venait à se demander s’il n’était pas lui-même le personnage d’un autre qui le manipulait à sa guise ».

Le Bon, la Brute et le Renard est un roman chinois d’aventures américaines et françaises, un roman français d’aventure sous influence chinoise. Un roman qui rebondit d’un personnage à l’autre, d’une histoire l’autre, avec la vivacité étourdissante d’une petite balle blanche de quatre centimètres de diamètre et de moins de trois grammes, plongée dans un bain tourbillonnant. Il y a là sous nos yeux : trois chinois, Menfei, Zuo Lo et Bec-de-canard, partis de Chine pour la Californie, à la recherche de Yu, la fille de Menfei, dont il est sans nouvelles, ils vont croiser deux policiers américains dépêchés par la famille de Wolf Springfield disparu lui aussi. Il y a également Chen Wanglin, un écrivain qui n’écrit plus, paraît-il, chargé lui aussi de retrouver une jeune chinoise disparue entre Paris et Marseille. Le Bon, la Brute et le Renard est un roman où se croisent ces trois destinées aventurières, un roman porté par des dialogues étourdissants de drôlerie.

Une poignée de vies, Marlen Haushofer (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 08 Juillet 2020. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman

Une poignée de vies, Marlen Haushofer, janvier 2020, trad. allemand, Jacqueline Chambon, 192 pages, 19 € Edition: Actes Sud

Il y a dans ce roman écrit en 1955 une vivacité et une intelligence d’écriture (et presque sans doute une « seconde » écriture pour la traduction) qui rendent cette œuvre pérenne. Il est vrai que les émotions humaines, les sensations d’épreuves de vie pour soi ou par secousses sur notre vie propre par autrui n’ont pas d’âge. On reconnaît dans ce roman cette société un peu traditionnelle, voire cléricale qui transparaît entre les lignes écrites il y a plus de 60 ans.

Quelle brillanté efficacité à vouloir démontrer ce mécanisme qui, sans le savoir, mène les êtres parfois au-delà d’eux-mêmes ! La protagoniste principale, revenant sur ses traces, avec aussi le brillant jeu d’une boîte de photos retrouvées, tente de dénouer les instants qui l’ont fait basculer d’une vie à l’autre presque sans s’en rendre compte, avec un certain détachement pour les êtres et ce, dès l’enfance :

« La première année elle aima les nonnes ou certaines filles à peu près comme un entomologiste aime les cafards qu’il classe dans sa collection. Sa tendresse allait toujours aux choses, surtout au mûrier de la cour qu’elle caressait à la dérobée pendant la récréation. Il était lié à son ancien monde rempli de bonnes et de méchantes pierres, d’arbres et de fleurs ».

L’inondation, Evgueni Zamiatine (par Marie Duclos)

, le Mercredi, 01 Juillet 2020. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie

L’inondation, Evgueni Zamiatine, Livre audio lu par Jeanne Moreau, chez Actes Sud Diffusion Audio Edition: Actes Sud

 

Est-ce un roman, est-ce une nouvelle ?

Le livre est court mais puissant comme la vague d’une inondation. Il a été écrit en 1929, l’auteur est né à Lebedian, province de Russie, dont la langue est réputée.

Le thème de l’eau revient comme un refrain, comme le ressac, l’eau de la Neva, l’eau du brouillard, les larmes du chagrin… l’eau qui nettoie et enfouit le crime. La mort côtoie quatre protagonistes : Sofia, Trophim Ivanytch, son mari, Pelagaya, la voisine, et Ganka, la jeune adolescente qui travaille pour le couple.

Ganka disparaît… Seule Sofia connaît la vérité, vérité qui ne peut rester secrète et qui éclatera quand Sofia déclare une fièvre puerpérale.

Requiem pour une ville perdue, Asli Erdoğan (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 24 Juin 2020. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Récits

Requiem pour une ville perdue, mai 2020, trad. turc, Julien Lapeyre de Cabanes, 135 pages, 17 € . Ecrivain(s): Aslı Erdoğan Edition: Actes Sud

 

Amateur de déroulés classiques et de textes bien balisés, s’abstenir.

Dans ce livre, la phrase va où bon lui semble, de préférence en territoire poétique. Elle trotte, elle galope, c’est un cheval sans selle épris de liberté (un cheval turc ?).

Plusieurs mouvements composent ce requiem dédié à une ville perdue. Requiem, certes. Mais la ville ? Istanbul s’impose. « Cette ville affublée de presque autant de noms qu’on en a donnés à Dieu ». « Ce ghetto qui parlait mille langues ». Mais ne comptez pas trop y flâner. Le temps de remonter quelques « raidillons étroits » de Galata, de descendre des « ruelles à pic », d’approcher, sans nous y arrêter, la rue où Asli a « vécu autrefois », d’aborder de loin « les froides entrailles de la ville » pour y croiser « voleurs, ivrognes [et] entraîneuses », nous rebouclons déjà notre valise. Après cette escapade de quelques paragraphes dans Beyoğlu, pendant laquelle le rêve a replié ses ailes, nous voici ramenés vers des contrées sans noms. On est donc aussi bien à Paris, à Londres ou à Vienne. La ville est surtout prétexte à exil et sert d’écrin aux phrases.