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Collection de poche de la Martinière

Retour à Little Wing, Nickolas Butler

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 14 Décembre 2015. , dans Points, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Retour à Little Wing, août 2015, traduit de l’anglais (USA) par Mireille Vignol, 384 pages, 7,95 € . Ecrivain(s): Nickolas Butler Edition: Points

 

Il y a des romans sur la musique, des romans qui parlent de musique, il y a des romans dont certaines pages font penser à de la musique (je pense au formidable Human Punk de John King), puis il y a des romans, beaucoup plus rares, qui sont tout à fait en phase avec un certain type de musique. C’est le cas de Retour à Little Wing, le premier roman de Nickolas Butler (1979) : avec le personnage de Lee, c’est tout un pan de l’americana musicale, de Bruce Springsteen à Damien Jurado en passant par John Cougar Mellencamp, qui fait son entrée en littérature. Non seulement ses chansons traitent de sujets populaires au sens premier de l’adjectif : qui appartient au peuple, mais sa façon de voir les choses depuis son premier album, Shotgun Lovesongs (le titre original du roman, soit dit en passant), n’a changé en rien malgré le succès, et on l’imagine volontiers écoutant en boucle Nebraska ou The Ghost of Tom Joad, pris dans l’intemporalité de la vraie vie et y puisant son inspiration : « Ici, le temps s’écoule lentement, divisé en moments à savourer, comme de délicieuses parts de dessert : mariages, naissances, réussites aux examens, inaugurations, funérailles. Rien ne change beaucoup, en général ». Il y a le personnage de Lee, donc, mais il y a surtout ce que raconte ce roman.

Fonds Perdus, Thomas Pynchon

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 12 Décembre 2015. , dans Points, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Fonds Perdus, trad. de l’anglais (USA) par Nicolas Richard, août 2015, 624 pages, 8,8 € . Ecrivain(s): Thomas Pynchon Edition: Points

 

Thomas Pynchon (1937) est un auteur exigeant, du moins ses romans le sont-ils : on n’entre pas dans V. (1963) ou Vineland (1990) en dilettante, en voulant juste passer un bon moment de lecture. En effet, le lecteur distrait a tôt fait de se perdre dans la foule des personnages, dans les digressions post-modernes de l’auteur ou dans son art consommé de soulever les voiles de l’Amérique et faire contempler ses dessous, version complotiste et parfois compliquiste. Mais la maîtrise dont fait preuve Pynchon leur permet toujours, à l’auteur et au lecteur, de retomber sur leurs pattes narratives – d’autant que l’humour, le décalage incongru dans toute sa splendeur, est souvent au rendez-vous.

Ces caractéristiques sont présentes dans Fonds Perdus (2013), mais la complexité en moins. Peut-être est-ce dû au fait que ce roman est avant tout un roman d’enquête, placé sous le signe d’une citation éclairante de Donald E. Westlake (New York en tant que personnage dans une enquête policière ne serait pas le détective, ne serait pas l’assassin. Ce serait le suspect énigmatique qui sait ce qui s’est vraiment passé mais n’a pas l’intention de le raconter), mais ce roman est parmi les plus lisibles pour le néophyte parmi ceux de Pynchon.

Tsili, Aharon Appelfeld

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 06 Novembre 2015. , dans Points, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Moyen Orient

Tsili, août 2015, traduit de l’hébreu par Arlette Pierrot, 160 pages, 5,60 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: Points

 

Publié pour la première fois en 1982, Tsili, quatorzième livre de l’Israëlien Aharon Appelfeld (1932), connaît une nouvelle jeunesse en édition de poche due à une adaptation cinématographique signée Amos Gitai. Pour celui qui n’a jamais fréquenté l’œuvre d’Appelfeld, mais qui s’entend régulièrement dire qu’elle gagne à l’être, fréquentée, ce bref roman peut sembler une porte d’entrée idéale. Dont acte.

Tsili, c’est le nom de la jeune fille héroïne des quelque cent soixante pages de ce roman qui s’apparente à une longue nouvelle. Elle a douze ans en 1942, au moment où sa famille quitte son domicile, le laissant à sa garde, suite au durcissement de la répression anti-juive dans la partie de l’Europe centrale où vit Tsili. Celle-ci est donc abandonnée à son sort (ce qui paraît hautement improbable – mais c’est peut-être lié à l’aspect « conte » évoqué ci-après), et doit survivre dans la nature, comme le fit Appelfeld lui-même durant son adolescence et pour les mêmes raisons, à ceci près que la jeune femme se présente partout comme une « fille de Maria », appellation dont on a tôt fait de comprendre qu’elle désigne une prostituée, ce qui lui vaut des accueils mitigés.

Minus, Lapsus et Mordicus Nous parlons tous latin sans le savoir, Henriette Walter

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 09 Octobre 2015. , dans Points, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Minus, Lapsus et Mordicus Nous parlons tous latin sans le savoir, septembre 2015, 432 pages, 8 € . Ecrivain(s): Henriette Walter Edition: Points

 

Consigne de lecture : dénombrer les mots latins, en ce inclus une recomposition tardive plaisante, que contiennent les deux paragraphes suivants :

« Au milieu du campus, près du muséum, et devant notre sponsor, j’avais soutenu mordicus qu’au dernier palmarès, notre duo avait été classé ex-aequo avec celui d’un quidam qui était au summum de sa renommée, mais qui se trouvait là incognito. Malheureusement pour nous, ce dernier, dans un rictus peu amical, nous montra illico son agenda et une série de prospectus spécifiant qu’à l’issue d’un long processus, c’était lui qui avait été déclaré in extremis l’as de la catégorie senior car son curriculum vitae était vraiment super.

Mais motus et bouche cousue ! Personne ne doit se douter que nous n’avons eu qu’un accessit ».

Les Hauts-Quartiers, Paul Gadenne

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 02 Juillet 2015. , dans Points, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les Hauts-Quartiers, 800 pages, 11,90 € . Ecrivain(s): Paul Gadenne Edition: Points

 

Paul Gadenne (1907-1956) fait partie de ces auteurs francophones que le temps semble mal servir : il efface peu à peu leur souvenir, et il faut l’un ou l’autre passeur pour avoir envie d’y accéder. Merci donc à Eric Naulleau, qui fut éditeur avant d’être chroniqueur télévisuel, d’avoir persévéré à faire mention de Paul Gadenne à chaque fois que cela lui était possible : c’est grâce à lui que des heures délicieuses ont été passées à lire Les Hauts-Quartiers.

Le roman est préfacé, à sa publication (posthume) en 1973, par Pierre Mertens, admirateur de l’auteur, dont il évoque l’œuvre dans son intégralité et qui avertit, à propos des Hauts-Quartiers, en une formule dont la justesse s’avère exacte au fil de la lecture :

« Seule une réelle exégèse rendrait compte des dimensions d’un univers dont nous n’avons voulu et pu que suggérer l’importance. Son côté solaire et ses perspectives nocturnes ; sa profusion et sa nudité ; son frémissement et sa rigueur ; sa ferveur et sa fragilité, comme une immense fougère saisie par le gel ».