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Articles taggés avec: Verdun Olivier

Au regard des visages, Essai sur la littérature française du XXe siècle, Marie-Annick Gervais-Zaninger (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Jeudi, 15 Septembre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Hermann

Au regard des visages, Essai sur la littérature française du XXe siècle, Marie-Annick Gervais-Zaninger, 400 pages, 39 € Edition: Hermann

 

 

On sait, depuis Emmanuel Levinas, que le visage n’est pas tant une forme sensible que la résistance opposée par autrui à sa propre manifestation : rencontrer un homme, c’est être tenu en éveil par une énigme. Cette énigme de la rencontre intersubjective, la littérature n’a cessé de la traquer au XXe siècle, en un vaste panorama que Marie-Annick Gervais-Zaninger tente, avec beaucoup d’érudition, dans une langue parfois pâteuse mais toujours précise, de restituer. Son ambition, quelque peu titanesque, est d’entrecroiser discours savants et œuvres artistiques afin de mettre au jour, de Narcisse à Lacan, de Levinas à Yves Bonnefoy, ce que le visage a pu produire de trames conceptuelles.

Coupables, Ferdinand von Schirach (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Vendredi, 09 Septembre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Folio (Gallimard), Langue allemande

Coupables, Ferdinand von Schirach, trad. allemand, Pierre Malherbet, 187 pages, 17,90 €


Dans son dernier recueil de nouvelles sobrement intitulé Coupables, Ferdinand von Schirach ne ménage guère son lecteur qu’il plonge dans l’opacité sans fond des motivations humaines, au cœur de la mécanique des affaires criminelles.

Avocat de la défense au barreau de Berlin depuis 1994, Ferdinand von Schirach sait de quoi il parle. Les événements qu’il relate, tous aussi sordides les uns que les autres, seraient restés de simples faits divers tout droit sortis des annales judiciaires sans le regard clinique et profondément humain à la fois de l’écrivain.

Au fil de ces quinze nouvelles, dont certaines donnent la nausée tant l’écriture, qui n’est pas sans rappeler celle d’Agota Kristof, du Michel Houellebecq d’Extension du domaine de la lutte, ou, au cinéma, de Bruno Dumont, est limée jusqu’à l’extrême concision, l’auteur traque, au-delà des seules questions de justice et de procédure, des vies sur le fil du rasoir, des vies qui se détraquent, des vies qui basculent jusqu’au point de non-retour, prises dans l’engrenage de sibyllines nécessités.

Terres voraces, Sylvain Estibal (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Jeudi, 18 Août 2022. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Recensions

Terres voraces, Sylvain Estibal, février 2022, 176 pages, 16,80 € Edition: Actes Sud

 

Je viens de refermer ce livre d’une noirceur incandescente. Les mots lacèrent la page, sondent « l’ampleur des fissures invisibles », des « séismes silencieux ». Un long voyage parmi les ombres, au milieu des fosses et de leur affreux silence, avec, au bout de la nuit, des points de lumière. Dans ce monde de lésions, d’entailles, de mépris où l’amour étouffe en silence, les tiges métalliques affrontent l’injustice, percent le sol pour faire respirer les morts engloutis par les terres voraces. – Terres de douleurs et de cris, perdues dans l’immensité de l’absence. Les mots qu’on lit sont des lambeaux de chair découpés au scalpel, qui forment une « grammaire des suppliciés ». Un monde très vaste avec sa « géographie, ses vastes étendues, ses reliefs et ses tracés », fait de « marbrures de sang », de « marques azurées », de « lacérations », de « brûlures », d’« épanchements liquidiens », de « perforations », de « dislocations ». Les corps écorchés, torturés, triturés, disloqués, rappellent les momies grimaçantes de Guanajuato, les tableaux de Grünewald, Francis Bacon, Vladimir Velickovic… L’horreur est comme magnifiée par la beauté incantatoire des phrases, elles-mêmes fragmentées pour être au plus près de la douleur.

L’exactitude des songes, Denis Grozdanovitch (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Mardi, 31 Août 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Le Rouergue

L’exactitude des songes, Denis Grozdanovitch, 128 pages, 22 € Edition: Le Rouergue


« La vision photographique se distingue par une aptitude singulière à découvrir de la beauté dans tout ce que l’on peut apercevoir mais que l’on néglige habituellement comme offrant un aspect trop ordinaire » (Susan Sontag, Sur la photographie).

Le titre du dernier opus de Denis Grozdanovitch, L’exactitude des songes, paru en janvier 2012 aux Éditions du Rouergue, a la beauté mélancolique des oxymores, des vieilles photos sépia, des murs lézardés, des amitiés burinées par le temps.

L’auteur publie ici des photographies prises de 1978 à aujourd’hui, accompagnées de textes courts, empreints d’une lenteur contemplative, tant il s’agit de cueillir, au cœur des choses, la poésie latente qui y gît. – Écrire avec la lumière, sur une plage temporelle de plus de trente ans, impressions fugitives, visions, enthousiasmes, comme pour les ressusciter, puisque, nous le rappelle Denis Grozdanovitch en une manière d’hommage à Marcel Proust, « on ne vit réellement sa vie qu’après coup ».

Les en dehors, La liberté pour horizon, Stéphane Beau (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Vendredi, 31 Août 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Les en dehors, La liberté pour horizon, Stéphane Beau, Éditions du Petit Pavé, 2011, 186 pages, 18 €

 

Avec Les en dehors, Stéphane Beau publie son troisième roman qui s’inscrit explicitement dans la veine de quelques-uns de ses auteurs favoris – Henry David Thoreau dans Walden, Ernst Jünger dans Eumeswil, Cormac McCarthy dans La Route et, en filigrane, Albert Camus dans La Peste. Le livre n’est pas non plus sans rappeler le film de Sean Penn, Into the Wild.

L’auteur opte du début à la fin pour une écriture on ne peut plus limpide qui rend la trame narrative facile à saisir. Une épidémie de peste birmane sème la mort et la désolation derrière elle. Aucun antibiotique ne réussit à enrayer son inexorable progression dans toute l’Europe : « Les frontières se fermaient les unes après les autres et chaque gouvernement faisait de son mieux pour limiter la casse et éviter la panique ».

Léopold Fort, un ancien libraire qui a tout plaqué pour se retirer, seul, avec son amour des livres et sa misanthropie, dans une bicoque en ruine sise au milieu de nulle part, se prend d’affection, à son insu, pour Colas, un orphelin de sept ans qu’il croise par hasard et dont il sauve la vie in extremis.