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Récits

Robinson des improbables, Gilles Lapouge (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 01 Mars 2024. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Passeur

Robinson des improbables, Gilles Lapouge, textes établis et présentés par Éric Poindron, Le Passeur Éditeur, 2023, 242 pages, 15 € Edition: Le Passeur

 

« Chaque jour, j’écrivais et nous confrontions cette vie imagée. Gilles reprenait le stylo, précisait, ajoutait une anecdote et me rendait le texte. Comme une amitié à quatre mains. À la fin de cette aventure, Gilles me confia en lisant le manuscrit : “Quand tu racontes ma vie, c’est encore plus beau que si c’était ma vie”. Ce qui n’était pas très compliqué avec une telle vie » (Éric Poindron, Préface).

« À force de fréquenter mes timbres, leurs fruits, leurs oiseaux-mouches, leurs capitales, et les tampons appliqués des facteurs du Congo belge ou du Balouchistan, je m’étais confectionné un projet de carrière. Je serais exotique ».

Gilles Lapouge fit donc carrière dans l’exotisme, sa vie s’y conjugua, de Digne à Dellys et Oran en Algérie, de Marseille à Aix-en-Provence, puis de Paris à São-Paulo, et de São-Paulo à Paris, auxquels on peut ajouter mille autres destinations pour ce « voyageur étonné » et qui n’a cessé de nous surprendre et de nous étonner par ses romans et ses récits.

Nietzsche au piano, Frédéric Pajak (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 06 Février 2024. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Editions Noir sur Blanc

Nietzsche au piano, Frédéric Pajak, Les Editions Noir sur Blanc, janvier 2024, 96 pages, 15 € Edition: Editions Noir sur Blanc

 

« À le lire et à le relire, on s’aperçoit que la musique imprègne son écriture : ses phrases sont toujours musicales, ses livres sont des symphonies. Nietzsche est musicien avant tout ; la musique ne l’a jamais quitté. Sa vie se lit à livre ouvert dans les quelques partitions qu’il nous a laissées, et qu’il faut entendre pour ce qu’elles sont : des promesses ».

« Paris, la Provence, Florence, Jérusalem, Athènes, ces noms-là prouvent une chose : c’est que le génie ne saurait vivre sans un air sec et un ciel pur, c’est-à-dire sans échanges rapides, sans la possibilité de se ravitailler continuellement en énergie par énormes quantités » (Friedrich Nietzsche, Ecce Homo, traduction d’Alexandre Vialatte, 10/18).

Fille du chemin, Jean-Pierre Vidal (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 02 Février 2024. , dans Récits, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Fille du chemin, Jean-Pierre Vidal, éditions Le Silence qui roule, janvier 2024, 98 pages, 12 €

 

« Le premier matin, quand je me réveille un peu plus tard qu’elle, comme un éclat, je reçois en pleine face ses seins blancs à la toilette, son pubis, la violence de sa toison très noire sur le blanc de sa peau. Mon regard ne lui importe pas, elle n’a pas souci de me séduire, ni de cacher sa féminité. Je suis heureux de l’avoir vue nue, un instant. Ce n’est pas de sa part un don personnel, volontaire, encore moins un appel. Le simple signe, au contraire, que je n’existe pas pour elle. Mais pour moi, sa nudité pure est le présent tout autant que tout à l’heure le ruisseau, les cailloux blancs, les feuilles nues des arbres. Au vrai, alors qu’elle n’a pas voulu me donner sa nudité en vue d’un avenir d’étreinte, elle m’a donné le présent sans chercher à le donner. Ce présent m’a suffi, dans sa légèreté incandescente, et je ne veux pas en faire un souvenir » (p.22).

Un été avec Jankélévitch, Cynthia Fleury (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 11 Décembre 2023. , dans Récits, Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Editions des Equateurs

Un été avec Jankélévitch, Cynthia Fleury, Editions Equateurs, mai 2023, 189 pages, 14 € Edition: Editions des Equateurs

Pour qui n’a pas lu Jankélévitch, un été avec… constitue un premier pas et plus qu’une simple initiation à la philosophie du susnommé. Ne pas l’avoir lu peut avoir pour cause un abord parfois difficile, encore que, ou une aridité apparente de certains textes. Avec Cynthia Fleury, ces possibles entraves volent en éclat, l’abord y étant écrit de manière claire et limpide, les aspects du travail du philosophe présentés méthodiquement et sans verbiage, sans cette logorrhée qui n’est souvent présente que pour satisfaire l’ego du scripteur. Ici, le rapport au lecteur est de l’ordre du partage de l’intérêt évident que la philosophe porte aux raisonnements, aux intuitions aussi de Jankélévitch. En voici quelques exemples.

« Ne manquez pas votre unique matinée de printemps », cette phrase extraite du Je ne sais quoi et le Presque rien, Cynthia Fleury en dit « qu’elle manie l’évidence et l’énigmatique, signe le renouveau mais aussi la disparition, la grâce et la gravité, un certain lyrisme ». Cette phrase « condense toute la philosophie, métaphysique et morale, et donc politique de Jankélévitch », ajoute-elle. Une injonction qui interpelle le sujet, vous, moi, en écrivant ne ratez pas, ne perdez pas, un impératif qui indique aussi que c’est ici et maintenant, « c’est à saisir, il faut être plus rapide que le temps, car le temps file, irréversiblement ». Enfin le printemps comme symbole du commencement, du seuil inaugural de la décision : c’est l’énergie vitale de Jankélévitch, cet héritage de Bergson qui infuse toute sa pensée.

Je voudrais leur demander pardon, mais ils ne sont plus là, Mikolaj Grynberg (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 01 Décembre 2023. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud

Je voudrais leur demander pardon, mais ils ne sont plus là, Mikolaj Grynberg, Actes Sud, septembre 2023, trad. polonais, Margot Carlier, 175 pages, 19,50 € Edition: Actes Sud

 

Mikolaj Grynberg est l’auteur de plusieurs livres consacrés à l’héritage de la Shoah dans l’histoire polonaise et européenne, mais ils n’ont malheureusement pas été traduits en français. La traduction éditée par Actes Sud, de l’ouvrage intitulé Je voudrais leur demander pardon mais ils ne sont plus là, vient combler cette lacune. Le récit s’organise autour de témoignages confiés à l’auteur par des amis : ils ont tous en commun d’être juifs et relatent leurs expériences passées et présentes de leur vie en Pologne. Le mode d’expression générale employé est laconique, dénué de la moindre emphase. On pense parfois à la déposition à la barre d’un procès imaginaire d’une série de témoins. Chaque témoignage porte un titre, souvent très court, et ne dépasse jamais trois ou quatre pages. Ainsi, dans LE BAZAR, évoque-t-on la question d’être juif ou ne pas l’être. Après avoir passé en revue le poids des préjugés antisémites, l’impossibilité d’échapper à ses origines aux yeux des autres, l’auteur conclut avec une grande amertume : « Je pense que mieux vaut ne pas être juif. D’ailleurs, vous voyez bien que personne ne se presse pour le devenir. Non, il n’y a pas de file d’attente ».