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La Une Livres

Le Sage des bois, Georges Picard

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 15 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Editions José Corti

Le Sage des bois, janvier 2016, 240 pages, 19 € . Ecrivain(s): Georges Picard Edition: Editions José Corti

 

Nous avons tous des projets, des rêves, des idéaux, enfouis quelque part. Nous arrivons à en vivre certains, ou une partie, ou même la totalité, peut-être… Mais à notre époque, très souvent, du rêve à la réalité il y a un pas plus ou moins grand, parfois un gouffre. Comment cultiver son jardin ? Le plus important est sans aucun doute d’essayer. C’est ce que va faire le narrateur de Le sage des bois. Et c’est le récit de cette tentative de grand écart d’un « jeune homme exalté » que nous allons lire sous la plume de Georges Picard.

L’idéal est assez simple : rejeter la vie banale qui lui est proposée, partir, aller quelque part, vivre selon ses idées, voire selon un Idéal, « nourrir son esprit des choses de la nature autant que des idées philosophiques », comme l’a écrit Henry David Thoreau, ce « sage des bois », dans une œuvre qui en fait rêver plus d’un encore aujourd’hui : Walden ou la vie dans les bois, et qui est le bréviaire du narrateur, qui a « beaucoup lu, encore plus rêvassé ». Citadin sans domicile, il choisit de partir seul, sans argent, avec une tente et une canne à pêche, sans « compétences monnayables ». Pas trop sûr de l’utilité d’une licence de philosophie quand il faudra monter la tente – cette caisse dont parle Thoreau et dans laquelle dormaient les ouvriers, avec leurs outils – construire une cabane et se nourrir dans la nature. Mais il part à la recherche de ce lieu idéal, cet étang, bien sûr, en Sologne ou dans le Cantal, bref, près de cette nature qui pourrait ressembler à Walden.

Sanguinaires, Denis Parent

Ecrit par Mélanie Talcott , le Samedi, 13 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Robert Laffont

Sanguinaires, janvier 2016, 372 pages, 21 € . Ecrivain(s): Denis Parent Edition: Robert Laffont

 

Sanguinaires de Denis Parent est un bon livre, bien écrit de surcroît. Ce n’est pas anodin de le souligner à une époque où la soupe littéraire nous réserve de piteux bouillons. Mais dire qu’un écrivain écrit bien, c’est une lapalissade, d’autant plus comme dans le cas présent, on parle de la plume d’un journaliste spécialisé dans le cinéma, scénariste et auteur de plusieurs ouvrages. Mais si c’est un bon livre, ce n’est pas néanmoins un grand livre. On est tous capables de conduire une voiture, mais il y a peu d’Ayrton Senna.

C’est un bon livre à plusieurs titres.

Denis Parent a du talent et un style tranché et bien trempé. Cela change des bouquins en mode clonage littéraire. Pas du surfait qui copierait du déjà fait. Non. Le sien porte à la fois l’effort du besogneux et le ciselage du talentueux. On sent qu’il gagne ses mots à la sueur de ses solitudes d’écrivain, noircies de mélancolie, de colères qui couvent sous les cendres de sa lucidité désenchantée qui ne demanderait cependant pas mieux que de s’émerveiller encore. De la bouteille et de l’étoffe. Une affirmation de soi qui s’impose par l’écriture. Chose rare à notre époque d’uniformisation de la pensée (entre autres).

L’état du monde selon Sisco, Pascal Louvrier

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 12 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Allary Editions

L’état du monde selon Sisco, janvier 2016, 200 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Pascal Louvrier Edition: Allary Editions

 

« Les spectateurs pénètrent dans le ventre de la baleine, ils sont Jonas. Le verre sublime le génie du compositeur. Le rouge des parois, l’aluminium moulé, c’est l’écrin de mes songes.

Mon nom à présent peut s’effacer ».

L’état du monde selon Sisco est le roman d’un architecte, de l’art de l’architecture, de son monde, celui qu’il invente tous les jours crayons à la main, mais aussi celui de la dévastation annoncée, des résistances timides ou foudroyées. Marc Sisco est un architecte choyé, un artiste de la courbe, du verre, du béton, de l’aluminium, de la suspension, de l’espace conquis, du mouvement. Après des années de recherches, de lignes et de traces, de calculs, il se voit choisi pour construire ce qui s’annonce comme son chef-d’œuvre, le T40, le nouvel opéra de Venise, un défi à l’espace et au temps. Tout semble sourire à l’architecte romantique, il vagabonde à Paris et à Venise. Son univers : ses dessins, ses équations, son bureau, sa Ferrari, ses cigares. Tout sourit à l’éternel insoumis, sauf l’état du monde, son monde qui se fissure et celui qui l’entoure qui s’effondre.

La Belle et le Fuseau, Neil Gaiman

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 12 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Albin Michel

La Belle et le Fuseau, octobre 2015, trad. anglais Valérie Le Plouhinec, ill. Chris Riddell, 68 pages, 19 € . Ecrivain(s): Neil Gaiman Edition: Albin Michel

Dans le recueil Miroirs et Fumée, traduit en français en 2000, se trouve une nouvelle extraordinaire, intitulée Neige, Verre et Pommes, dans laquelle Neil Gaiman (1960) réinvente, perturbe et inverse tout à fait l’histoire de Blanche-Neige ; pour s’attaquer à pareil pilier de l’inconscient collectif et sortir vainqueur par transmutation de la confrontation, il faut un talent littéraire plus que certain – ça tombe bien, c’est celui qu’on attribue à Neil Gaiman depuis qu’on a été confronté à sa plume, c’est-à-dire depuis De Bons Présages (1995 en français). Et on le lui attribue aussi pour ses livres à destination de la jeunesse, dont on sait que bien des adultes les lisent en cachette, voire au grand jour, et en retirent un plaisir sans mélange.

Ainsi donc de La Belle et le Fuseau, bref conte (une soixantaine de pages dont bon nombre contiennent des illustrations signées Chris Riddell) qui s’approprie et réinvente au moins deux histoires : La Belle au Bois Dormant, d’évidente façon (quiconque n’a pas souvenir d’une vague histoire de fuseau peut aller voir du côté des frères Grimm, de Perrault ou de Disney de quoi il retourne avant de revenir à Neil Gaiman), et, à nouveau, Blanche-Neige, puisque l’héroïne du présent récit a passé du temps dans un cercueil de verre, s’entend bien avec des nains et a une connaissance intime d’une « Sombre Majesté ».

Jan Bardeau & compagnie, Jan Bardeau, Sébastien Russo

Ecrit par Cathy Garcia , le Vendredi, 12 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Jan Bardeau & compagnie, mgv2>publishing, août 2015, illustration Seb Russo, 40 pages, 5 € . Ecrivain(s): Jan Bardeau, Sébastien Russo

 

Jan Bardeau s’empare des mots, les triture, les malaxe, les lance contre les murs, d’où ils rebondissent, l’écho parfois est effrayant, car ce jeu faussement léger, non exempt de plus ici d’autocontraintes, c’est pour révoquer le vide, la solitude crasse, « la hideur abrupte », le dur « qui courbe & brise & broie, bousille le beau » et gripper les mécanismes froids et déshumanisants d’un système entonnoir qui se gave de lui-même.

Jan Bardeau & compagnie, c’est un duo : Jan Bardeau et Seb Russo. Jan avec ses mots, Seb avec ses dessins, ses corps d’encre qui se tordent, se vident, se déforment, dégoulinent, étirés, vrillés, enchaînés. Et le poète est comme ce clodo au nez de clown. Clodo ou ouvrier ? C’est un peu du pareil au même non ? Un pas de trop et hop, à la casse.

« petites mains jusqu’à ce qu’ils les prennent sur leur tronche, les petites mains »

Nous sommes tellement nombreux à être des clowns plus ou moins fatigués. Nous amusons parfois la galerie des portraits poudrés, cette basse haute-cour où « les uns parlent d’importance, les autres s’imprègnent de l’art de picorer » et « s’évertuant à favoriser la guerre de chacun contre tous ».