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Œuvres, Georges Duby en la Pléiade (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, La Pléiade Gallimard

Œuvres, Georges Duby, Gallimard, Coll. Bibliothèque de la Pléiade n°641, septembre 2019, édition de Felipe Brandi, préface Pierre Nora, 2080 pages, 72,50 € Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Quand il trouve un fragment de pot sur le site d’un village déserté, le chercheur est au plus proche de la vérité », avance Georges Duby, avant d’ajouter : « Dès qu’il tente d’interpréter, il s’en éloigne. […] Que les amateurs de récits historiques ne perdent jamais cet élément de vue : ils sont toujours en face de la confession personnelle d’un historien, qui leur livre son émotion individuelle ressentie face aux traces du passé. Pas davantage ». En outre, ajoute l’historien dans un inédit datant de 1980, le témoin (que l’on pense à Lambert d’Ardres, à Guillaume le Breton, à Raoul Glaber, que l’on songe à tous les auteurs convoqués dans L’An mil), le témoin « n’est jamais neutre », quand bien même il le voudrait. « Sa propre culture déteint sur ce qu’il rapporte, et l’empreinte déforme d’autant plus que le témoin est savant ou croit l’être, et qu’il se mêle d’interpréter lui-même, dans la grande liberté que lui vaut le sentiment de dominer de la hauteur de sa science les objets culturels, fragiles, qu’il récolte ». En conséquence, tout document, y compris celui donnant le plus corps à une supposée neutralité (ainsi les chartes ou les inventaires), ne livre à l’historien qu’une représentation déformée, gauchie de la réalité.

Où va l’argent des pauvres, Denis Colombi (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Payot

Où va l’argent des pauvres, Denis Colombi, janvier 2020, 21 € Edition: Payot

 

Si l’auteur ne met pas de point d’interrogation à son titre, c’est probablement qu’il a trouvé une sorte de réponse quelque part doublement rassurante et angoissante : les pauvres ont-ils le droit ou même les facultés nécessaires à dépenser l’argent qu’on leur « donne » ? Mais l’argent n’est-il pas à tous et qu’en font donc les personnes si pas riches au moins « non pauvres » ? Répondre à la question c’est aussi repenser la consommation de la classe moyenne : « …les pauvres et l’argent. Deux sujets sur lesquels les considérations morales vont bon train, où l’on est plus prompt à prononcer un jugement qu’à chercher à comprendre. Deux entités marquées par un soupçon d’immoralité. Aux premiers, on reproche implicitement de ne pas être capable de se contrôler, de se retenir ou de faire les bons choix. Du second, on craint l’effet corrupteur, le pouvoir séducteur, et la transformation d’honnêtes travailleurs en oisifs professionnels… ».

La Goulue, Reine du Moulin Rouge, Maryline Martin (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Les éditions du Rocher

La Goulue, Reine du Moulin Rouge, Maryline Martin, 227 pages, 8,90 € Edition: Les éditions du Rocher

 

Les personnages emblématiques de La Belle Époque sont souvent reliés au monde du spectacle, des arts, de la danse. Ainsi en va-t-il de La Goulue, cette danseuse célèbre de Montmartre, qui a animé les soirées des cabarets et salles de music-hall.

Maryline Martin, dans la biographie qu’elle consacre à ce personnage haut en couleur, s’attache aux étapes de son parcours, à ses rencontres, à sa personnalité aux multiples aspects. Louise Weber, son état-civil véritable, est une petite fille curieuse dès le plus jeune âge : blanchisseuse à seize ans, elle n’a de cesse que de s’échapper du cercle familial pour aller s’initier à la danse. Les premières étapes de cette plongée dans cet univers, c’est son père Dagobert qui les organise : elle apprend le chahut, ancêtre du cancan, l’art de lever la jupe. Elle veut faire mieux que Marguerite Bade dite Rigolboche, qui est capable de retrousser ses jupons jusqu’à la taille pour dégager sa jupe. Plus tard, en 1882, elle pousse la porte du Bal Debray, un établissement où elle va rencontrer un certain Valentin. Elle sera son partenaire de danse pendant neuf années…

Les 3 noms d’Esther, Isabelle Fiemeyer (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 27 Août 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions Maurice Nadeau

Les 3 noms d’Esther, Isabelle Fiemeyer, 120 pages, 16 € Edition: Editions Maurice Nadeau

Le long monologue post mortem, dégoulinant de souffrance et de haine de soi, des autres et du monde, émis par une jeune femme qui raconte à la première personne son douloureux parcours existentiel depuis sa naissance non désirée par sa mère jusqu’à son internement en asile d’aliénés à la demande expresse de sa famille. Dépassant le classique dédoublement de personnalité, Gudrun, la narratrice, se « détriple » en Blandine d’une part, en Esther d’autre part.

Gudrun, Esther, Blandine sont les trois prénoms reçus à la naissance, trois noms que la narratrice va incarner à tour de rôle, littéralement, chacune jouant son propre rôle singulier dans le cours chaotique d’une existence tri-personnelle, et dans la profusion en apparence incohérente d’un poignant discours narratif.

Les parents de Gudrun Kortekamp et de son frère Friedrich, propriétaires terriens allemands, au lendemain de la première guerre mondiale quittent leur pays par crainte de l’instauration du socialisme avec l’espoir de trouver meilleure fortune aux Etats-Unis où ils rachètent des terres. Lorsque le nazisme s’installe au pouvoir, enthousiasmés par la perspective du triomphe universel du troisième Reich millénaire, ils rentrent, reprennent leur ancienne propriété, et manifestent ouvertement leur adhésion à la montée totalitaire et génocidaire du pangermanisme.

Fête la mort !, Jacques Cauda (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 27 Août 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Fête la mort !, éditions sans crispation, coédition Magazine Litzic, septembre 2020, 102 pages, 14 € . Ecrivain(s): Jacques Cauda

 

Quelle légèreté (pourquoi pas) inventer à la mort – ce boulet chevillé à nos corps périssables –, bravant l’idée d’une éternité post-mortem, franchi le sas d’un purgatoire inutile ? (comment pourrions-nous confesser nos éclats obscurs, nous pauvres barboteurs peu aptes à nous connaître nous-mêmes et, dans quel intérêt ?). Fête la mort ! déjoue avec jubilation l’idée « théseuse » que l’on veut bien nous faire, à nous communs des mortels, d’une vie dont le postulat serait un memento mori tragique ; la déjoue pour nous rejouer la mort comme une fin de partie festive. Cauda ne nous emmène pas ici au Mexique ni au sud-ouest des États-Unis pour une Día de los Muertos (Fête des Morts) ni ne nous invite à courir l’Halloween, mais tous saints et diables(ses) confondus (nettoyés de leurs oripeaux culturels), nous plonge « sans crispation » dans une contrée où la vacuité (et non la vanité) de notre vie terrestre fête la mort et (se) la fait. À l’instar de Petit Muscle ami d’enfance du Gilles (de Watteau, auquel l’adolescent narrateur se plaît à ressembler dans son accoutrement vestimentaire), lors de célébrations masturbatoires. Saucisson, Petit Muscle et le narrateur habitent la Cité (alors que « le monstre prenait forme ») et se donnent à cul joie pour transgresser les interdits de toutes sortes, brutes, « assassin(s) en devenir » ; pour défrayer la routine en révolutionnaires jusqu’au-boutistes non effrayés par les « pendus à la lanterne ».