Les animaux de compagnie, Bragi Olafsson (par Anne Morin)
Les animaux de compagnie, mars 2011, 239 p. 20 €
Ecrivain(s): Bragi OlafssonOn ne peut que faire le rapprochement entre le caractère hétéroclite des animaux autrefois confiés à la garde d’Emil et de Havardur : un chat, une lapine, un hamster albinos et un iguane, et les personnages qui se retrouvent dans son salon, qui l’attendent en vidant les bouteilles et en fumant les cigarettes qu’il vient d’acheter dans la zone free tax de l’aéroport… Emil, qui pour ne pas affronter Havardur s’est caché sous son propre lit, dans sa propre chambre…
Peu à peu, Havardur prend possession des lieux, endossant le rôle d’Emil : il devient l’hôte inattendu de ses propres invités et personnes conviées par Emil.
Sous un lit, la perspective change les angles de vue, et l’on se demande si c’est la vision d’Emil qui pervertit l’attitude de ceux qui l’attendent, ou si l’attitude des personnes dans son living n’altère pas sa propre perception des choses.
Et puis, tout se détraque, tout échappe, tout va de travers, rien ne rend plus compte, ni raison. La vie d’Emil bascule, avec le cours des choses, cette soirée improbable remet en question ses rapports aux autres, et le cours qu’il imaginait de sa vie à venir. La soirée s’écoule : après tout, on peut se passer de lui, la vie se passe de lui. Sa vie se passe de lui.
Ce livre est construit comme une intrigue, mais dont tous les indices éclateraient comme des bulles de savon : qu’est-ce qui est important ? Qu’est-ce qui est exagéré ? Qu’est-ce qui est vrai ? A tout moment, il peut se passer quelque chose. Même dans une vie très linéaire, l’improbable peut survenir. Emil ne dit-il pas « une fois de plus, j’apprends à mes dépens qu’il est absurde de croire quoi que ce soit dans la vie ». En refusant d’affronter sa peur, Emil la rend envahissante, hors de propos.
Ce livre est aussi une réflexion sur le destin, et sur la petite marge de manœuvre que l’homme croit avoir, qu’il appelle le libre arbitre, en l’occurrence, impuissant, ne pouvant plus, là où en sont arrivées les choses, sortir de sa cachette, Emil n’a même pas la possibilité de siffler la fin du match.
Anne Morin
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