Vie et mort de Ludovico Lauter, Alessandro de Roma
Vie et mort de Ludovico Lauter, traduit de l'italien par Pascal Leclercq, 374 pages, 25 €
Ecrivain(s): Alessandro de Roma Edition: Gallimard« Il est tout à fait exact qu’il faut juger les films d’après leur fin ».
Cette phrase tirée du livre pourrait parfaitement s’appliquer à Vie et mort de Ludovico Lauter, d’Alessandro De Roma.
Il y a certains livres qu’on a envie d’abandonner avant la fin. Mais on s’accroche quand même, sans d’ailleurs bien savoir pourquoi. On continue on se disant qu’il finira bien par se passer quelque chose. Mais en attendant, on se demande ; Qu’est-ce que cherche à dire l’auteur ? Où veut-il en venir ? Et va-t-on arriver à quelque chose ou perd-on son temps ?
Dans sa première partie, Vie et mort de Ludovico Lauter est un livre plaisant, agréable à lire, mais qui manque singulièrement d’éclat. Cette histoire d’écrivain reclus du monde n’a rien de franchement époustouflant. Par certains côtés, elle peut même paraître relativement éculée. Et cette première partie dure quand même la bagatelle de 290 pages…
Alessandro De Roma aurait pu généreusement tailler dans le gras au moins. 100 pages de moins n’auraient pas fait de mal.
Il reste alors 90 pages… et quelles pages ! Quelles pages ! Elles vont obliger à repenser tout ce qu’on vient de lire. D’un coup, elles élèvent le livre, l’emmènent vers des sommets insoupçonnés.
Jusque-là, il était question d’un narrateur, Ettore Fossoli, écrivain raté qui décide de s’atteler à la biographie de Ludovico Lauter. Il est selon lui, ni plus, ni moins, que le plus grand écrivain de cette planète.
« Ludovico Lauter est l’homme le plus extraordinaire et le plus important qui ait jamais existé sur terre. Nul n’écrit des livres comme les siens ».
Fossoli n’a maintenant plus d’autre ambition que devenir le meilleur biographe du « maître ». Et pour cela, il a un avantage non négligeable sur tous les autres. Il sait où se trouve l’écrivain qui vit en reclus depuis maintenant quelques années, comme quelque espèce de double de Salinger.
« Depuis longtemps, le maître n’est plus en mesure de vouloir, ni de pouvoir, fréquenter personne ». Ludovico Lauteur n’accorde plus aucune interview depuis 1996. Il entretient la confusion autour de sa vie et de son œuvre.
Pour écrire la biographie, Fossoli loue une maison isolée en Sardaigne.
Il commence par raconter la vie des parents et des grands-parents du maître. La jeunesse de Ludovico. Ses premiers succès. C’est toute la première partie un peu longuette, même si surgissent ici ou là quelques indices qui nous font dire que le patient lecteur sera récompensé.
Alessandro De Roma distille par exemple des phrases comme :
« Le mensonge fait partie de la structure de l’œuvre de Ludovico Lauter ».
Ou bien :
« Le piège fatal est dans les premières pages ».
Mais il y a aussi quelques événements étranges. Des écrits de Ludovico Lauter créent des cas de fanatisme et de troubles de la perception chez les lecteurs.
« Qu’arrivait-il aux lecteurs de La maison de cendre ? Aux plus fragiles et impressionnables, mais aussi, même si c’était dans une moindre mesure, aux plus équilibrés ? Perte d’intérêt pour la réalité environnante, impossibilité de se détacher du texte, amnésie. D’un point de vue plus strictement social : absentéisme au travail, agressivité, crise de dépression et manifestations temporaires d’une sorte de légère schizophrénie ».
Et donc on s’accroche, on continue la lecture jusqu’à se retrouver dans un final haletant. La biographie, somme toute convenue, vire au triller schizoïde. C’est intense et bluffant. On tourne les pages à toute allure en regrettant qu’il n’en reste que si peu…
Yann Suty
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