Sans rémission, Justine Jotham
Sans rémission, Airvey Editions, mars 2013, 73 pages, 8,50 €
Ecrivain(s): Justine Jotham
Sans rémission est un court roman au rythme rapide au fil duquel l’auteure imagine les dix derniers jours du monde avant la fin annoncée de notre planète.
La chronique de ces dix jours d’avant l’apocalypse est faite par le personnage narrateur, Phil, qui, cancéreux, condamné par ses médecins, n’ayant plus que quelques jours à vivre, a fui son lit d’hôpital avec la complicité d’une infirmière dès que la nouvelle de la date de l’explosion finale a été diffusée par les médias.
De J-10 à J, Phil, désabusé, observe ce qui se passe dans sa rue et dans son quartier, parfois en les parcourant, le plus souvent de la fenêtre de son petit appartement.
« Moi, je continue comme si de rien n’était. Je ne suis qu’un vulgaire spectateur du cataclysme, je ne fais qu’observer et écouter, je ne participe pas à l’angoisse environnante… »
Ce point de vue extérieur, distant, qui se voudrait dépourvu d’émotions, d’un homme qui se sait doublement en sursis, permet à l’auteure d’extrapoler sur la propension de l’homme à régresser, à retourner vers l’état primitif sitôt que se délite le contrat social.
Pour Justine Jotham, il est évident que ce retour quasi immédiat à l’état de nature se réalise a contrario de l’image du bon sauvage développée par les philosophes du siècle des Lumières.
Une fois assurées que la prompte déliquescence de toute forme d’autorité leur garantira la totale impunité, les populations se déchaînent. Alors les collectivités se dissolvent, les communautés se désintègrent, les familles se désagrègent : chaque individu n’aspire plus qu’à assouvir les plus abjects de ses instincts.
Copulations effrénées, viols, vengeances, meurtres gratuits : on retrouve sous la plume de Justine Jotham cette atmosphère de totale désespérance et toute la litanie de ces scènes de folie furieuse dont on nous dit que des villes frappées par la peste ou le choléra ont été jadis le théâtre.
Au milieu des hordes destructrices et assoiffées de violence qui déferlent, massacrant et pillant, dans la rue jonchée de bris et débris de toutes sortes, un enfant vient spontanément à Phil, un oiseau blessé, qui se plaint « sans haine » :
« C’est là (…) qu’habite le …vi-vi-vi-vilain monsieur qui m’a tapé de… de… dessus ». Il tend la main dans une autre direction : « Et là, c’est… c’est… c’est lui qui m’a dit d’aller crever plus loin ».
Leurs chemins se séparent, mais quand viendra l’heure ultime, l’enfant rejoindra Phil…
Que signifiera cette présence pour le mourant ?
Patryck Froissart
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