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Rivages

Le Voyage d’Octavio, Miguel Bonnefoy

, le Mercredi, 15 Avril 2015. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman

Le Voyage d’Octavio, janvier 2015, 124 pages, 15 € . Ecrivain(s): Miguel Bonnefoy Edition: Rivages

 

Tout commence par la découverte de la lecture et de l’amour, intrinsèquement liés à travers la personne de Venezuela, qui initie don Octavio à cet univers du désir : celui d’apprendre, d’imaginer, celui de l’autre. Ainsi naît l’histoire, en rupture avec ces temps précolombiens de l’ignorance, tels que la colonisation espagnole les ont dépeints. Ou plutôt, tout commence un peu avant, dans la légende fondatrice de Saint-Paul-du Limon : l’arrivée des colons et de la peste, le miracle des citrons qui tombent comme un signe du ciel sur une procession et guérissent tous les pestiférés. La statue du Nazaréen érigée dans la première église qui lui est consacrée dans le village disparaît un jour, sans que nul ne s’étonne, on rase l’arbre miraculeux, il ne reste que le nom donné au village dont chacun a oublié le mythe originel, et Octavio naît là dans une ignorance totale que la rencontre de Venezuela va transformer en un parcours initiatique vers la connaissance de soi et de son pays, au cours des épreuves qu’il traversera. Après l’idylle amoureuse et la découverte des fruits de la connaissance, vient le temps de la chute : Octavio fait partie d’une bande de nobles voleurs justiciers, installés dans l’église, qui cambriole un jour la maison de Venezuela. Cette dernière reconnaît son amant parmi les pilleurs, ce qui pousse ce dernier à un long exil.

Les Fiancés, Déborah Lévy-Bertherat

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 09 Avril 2015. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les Fiancés, Mars 2015, 220 p. 18 € . Ecrivain(s): Déborah Lévy-Bertherat Edition: Rivages

 

Délicieux univers que celui de ce roman. La douleur pourtant y est omniprésente mais, Déborah Lévy-Bertherat déroule les pelotes du temps qui passe avec une douceur, une délicatesse, une finesse infinies. La tragédie humaine – celle, universelle, de l’inéluctable vieillesse et sa fin – prend du coup des couleurs moins sombres, est irisée d’arcs-en-ciel. Il faut dire que l’écriture ici, poétique et soignée, n’a pas pour objet la noirceur. Et elle atteint parfaitement ses fins : parler du destin sans verser, jamais, dans le pathos du romantisme désespéré.

Pourtant, le sujet aurait pu y tomber. Deux vieillards, un homme et une femme, Madeleine et René, se croisent dans une maison de retraite au crépuscule de leurs vies.  Et ils vont connaître une dernière – très belle – histoire d’amour. A partir de cette matrice, Déborah Lévy-Bertherat va décliner un beau roman sur le temps. Le temps perdu, à jamais. Le temps récurrent, celui de la mémoire, le temps retrouvé enfin, celui de l’affect (re)vécu.

Le langage des cactus, O. Henry (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Mars 2015. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles

Le langage des cactus, traduit de l’américain par Jean-Paul Gratias, 153 p. 7,65 € . Ecrivain(s): O. Henry Edition: Rivages

 

Attention, ce petit recueil peut vous faire mourir. De rire. Huit petites nouvelles, écrites à l’aube du XXème siècle, d’une modernité saisissante et d’une drôlerie de chaque instant vous attendent dans ce recueil. Encore une fois, Rivages est allé dénicher une pépite en la plume de O. Henry, journaliste et écrivain dont le talent de nouvelliste était tel qu’en 1919, neuf ans après sa mort, le plus prestigieux prix de la nouvelle américain a pris son nom, le « O. Henry Award ».

Les univers de O. Henry sont très souvent ancrés dans New-York, son dynamisme, son expansion foudroyante, sa modernité unique au monde en ce temps. Les personnages de ces nouvelles sont journalistes, malfrats, hommes d’affaires (c’est souvent la même chose ici), écrivains (encore la même chose ?). Tous rêvent de réussite, de gloire, d’argent. L’American Dream en est à ses palpitants débuts post-industriels. Mais chez O. Henry, ce rêve n’est jamais pris au sérieux et ses personnages s’y empêtrent, s’y débattent comme ils peuvent, à leur grand dam et à notre grande joie de lecteurs.  Le dérisoire le dispute au pathétique et tout y passe : la réussite, la richesse, même les étranges nouveaux statuts sociaux :

Les innocents, Assaf Gavron

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 03 Mars 2015. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Moyen Orient

Les innocents, juillet 2014, traduit de l’Hébreu par Laurent Cohen, 650 pages, 25 € . Ecrivain(s): Assaf Gavron Edition: Rivages

« Maaleh Hermesh 3, une petite colline au milieu de nulle part, au milieu de partout, avec quelques rochers, des ronces et des âmes ». Une Implantation en Galilée, de nos jours, pas vraiment légale, un peu foutoir des vies des gens, des vies des Juifs, venus, ou revenus du vaste monde, ou bien de Tel-Aviv.

Pas loin de 700 pages pour dire, au fond, tout, ou presque de l’homme. Une gageure ? Plutôt un chef d’œuvre, un encore d’Assaf Gavron.

Livre bâti curieusement, comme si on nous faisait tourner en rond, dans les vies, les trajectoires du petit peuple des « implantés », dans l’Implantation elle-même, dont il copierait le plan mi-cylindrique, mi-labyrinthe. Manège fascinant, qui nous berce, ou nous malmène, selon les moments ; étrange et passionnant voyage au cœur du pays Juif : gens, bêtes, paysages, politiques, évènements macro ou micro. Passages presque épiques : « cette colline, ces vents, ce paysage antique… », en ce territoire dont Aharon Appelfeld dit qu’il n’y a pas au monde de lieu plus naturellement religieux, et la page derrière, vie quotidienne et loupe de l’entomologiste, puis, trois pincées de chapitres plus loin, des moments d’un humour à nous fendre le ventre. Tout est dans Gavron, qui connaît « ses » Juifs par tous les bouts, ne leur passe rien, et les console de tout !

Le Meilleur, Bernard Malamud

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 03 Février 2015. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Le Meilleur (The Natural), traduit de l’américain par Josée Kamoun, février 2015, 300 p. 21,50 € . Ecrivain(s): Bernard Malamud Edition: Rivages

 

Retrouver Malamud sur un versant ensoleillé est à la fois surprenant et formidable. Loin du « Shtetl » et de Kiev*, il nous place cette fois au cœur de l’Amérique. Et même mieux encore, au cœur du cœur des mythologies américaines modernes : le baseball ! C’est tellement le cœur du mythe yankee que l’éditeur nous propose un lexique du baseball en fin d’ouvrage. Louable initiative, mais on peut craindre que ce soit peine perdue tant ce jeu, le plus populaire aux USA, est illisible pour un esprit européen normalement constitué. Le chroniqueur peut témoigner que malgré sa bonne volonté depuis des décennies, il n’a jamais réussi à y comprendre quoi que ce soit.

Qu’importe, il n’est nul besoin de comprendre le baseball pour adorer ce livre !

Et loin de la terreur et de la souffrance, nous voici dans un roman de la jeunesse, de l’amour, de la lumière. Bien sûr – les lecteurs de Malamud s’en doutent déjà – cela ne va pas sans ombres, sans peine, sans misères. Mais elles sont ordinaires, relèvent de ce qu’il en est d’une vie humaine.