Plateau virtuel club # 4 Radio Clapas, par Marie du Crest
L’émission de février maintenant autour de la dernière pièce de David Léon, édité chez Editions espaces 34, en 2018 ; celle sans doute comme l’exprime l’auteur lui-même, qui marque la fin d’une période de son travail d’écrivain (comme le disent les peintres), celle qui clôt le cycle familial entamé avec Un batman dans ta tête. Le temps de l’apaisement après la sidération ; de la honte au pardon.
Cette fois-ci, à la différence des précédents enregistrements, la lecture au sens le plus strict qui soit, s’impose, en l’absence ou presque d’un jeu commenté à plusieurs, quant à la façon de dire les passages choisis. David Léon nous offre là sa lecture : à l’exception de la séquence de la page 13 à 15 qui donne lieu à un travail à deux voix. David Léon y lit la « ligne récit rétrospectif » tandis que Léopold Pélagie s’empare des morceaux en italiques, citations des propos maternels et des œuvres livresques. L’auteur entre dès lors oralement, dans son livre, se l’approprie totalement.
Lire et relire à plusieurs reprises, un moment de l’histoire du jeune garçon et des siens, parcours de vie qui rejoint celle de la matière biblique, littéraire plus universelle. La présence précise dans sa douceur de la voix de David Léon affirme que l’écriture et donc son corollaire théâtral, la parole, constitue une matière unique et indissociable. L’écrivain lit ce qu’il a lu, ce qu’il a recopié et ce qu’il a écrit pour la mère, la grand-mère, le père et tous les autres, pour nous, en fait. Tout se tient en vérité dans cette seule présenceradiophonique. Le reste n’est qu’exégèse. J’entends alors, celui à qui la mère a dit : « tu seras le fils de la parole ».
L’auteur dit son propre texte, mais aussi sa propre vie, un peu plus loin avec l’épisode des souvenirs d’enfance à l’école, au temps de l’apprentissage de la lecture. Fondement de l’œuvre en quelque sorte articulé avec lenteur, pauses et tensions mais sans affects nostalgiques dans la diction Un poème en prose pour une scène (autobiographique). Il lit tous les segments des pages comme s’il voulait justement faire confondre les deux sources de l’écriture : la vie de la famille, de la fratrie blessée et l’ensemble des nourritures textuelles qui lui répondent. L’ensemble des choix de l’auteur renvoie toujours à des moments clefs, à des évènements fondateurs comme celui qui évoque la mort de sa grand-mère qu’il a vécu dans un long silence et qu’il a écrit dans l’image belle et absolue (p.28) : Et je me suis endormi dans le tombeau de bois.
La voix humaine est bel et bien affaire de chant, de psaume et c’est cela qui traverse à la fois la pièce comme texte de silence mais aussi simultanément comme musicalité poétique des cœurs et des voix. Ce n’est sans doute pas tout à fait un hasard si cette émission-là de PVC est accompagnée ici et là de plages courtes de guitare réverbérée avant même d’aboutir au rituel de fin (la diffusion d’un titre musical en correspondance avec l’œuvre), qui sera justement la création musicale de Guillaume Léglise entendue au Théâtre Ouvert en novembre dernier. Il ne s’agit pas d’illustrer mais de faire sens et son ensemble, de faire se rejoindre partition et texte.
Marie Du Crest
On peut retrouver dans La Cause littéraire, l’article consacré au texte publié, daté du 14 février 2018 ainsi que l’ensemble des lectures des précédentes pièces de David Léon.
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