Œuvres complètes, Louis-René des Forêts
Œuvres complètes, Louis-René des Forêts, Gallimard, coll. Quarto, juin 2015, présentation de Dominique Rabaté, 1344 pages, 28 €
Ecrivain(s): Louis-René des Forêts Edition: Gallimard
Le style est-il façon qu’a un écrivain d’exhausser le sens, en permettant à ce dernier d’arriver, par ce biais, par ce tour de force, à maturation, en lui permettant d’être et senti et cueilli et goûté, et goûté et cueilli et senti et ressenti ? Le style est-il cette force par quoi un propos d’intelligibilité devient nécessité ? Nécessité rudoyant les convenances, les topoï, tant il est vrai que tout style piétine (mais avec la précision que vit un danseur en dansant), piétine et saccage, doctement saccage ce qui devrait être, ce qui doit être. Les horizons d’attente, les dogmes, les schèmes…
Le style, c’est cette sauvagerie-là, superbe dans sa tenue, maintenue qu’elle est loin des broussailles des heurts propres aux affects ? Oui, répond Louis-René des Forêts, en chacun de ses livres. Et il ajoute : le style est ce par quoi l’homme est homme, en se hissant à hauteur de son humanité, qui est précision extrême du souffle autant que rythmique savante propre au regard, qui est tendresse exigeante du ressenti autant que violence virtuose du souvenir. Le style est cette humanité atteinte par quoi l’homme est, devient.
Rarement l’on aura fait face à un écrivain hissant ces préceptes à un tel degré d’achèvement, de plénitude, par son œuvre complète (louée soit la collection Quarto d’ainsi nous la présenter, unitaire dans une seule vie de papier). Pour s’en convaincre, il n’est que de lire, tant chaque page y est dense, et harmonieusement dense, Ostinato :
Le garçon hébété aux joues sans couleur salies par les larmes, aux cheveux coupés ras en deuil de sa mère, c’est vainement que les deux chiens pendus à ses premiers habits d’homme lui font fête. Une tape sur la truffe refroidit ces fougueux élans qui ne sont plus de saison. L’humeur joueuse ne s’éteindra pas cependant avec l’enfance, ni avec l’âge le souvenir de cette nuit d’été où il a découvert sur le très cher visage le pouvoir exorbitant de la mort, la mort et la vanité des prières.
Matthieu Gosztola
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