Nouvelles définitions de l’amour, Brina Svit
Nouvelles définitions de l’amour, Brina Svit, février 2017, 256 pages, 19,50 €
Ecrivain(s): Brina Svit Edition: Gallimard
Pour Brina Svit, écrire n’est pas forcément défendre la solitude dans laquelle ses personnages se trouvent mais la constater. Les nouvelles « actionnent » des isolements affectifs que les narrations rendent communicables, dans la mesure où à cause de l’éloignement de tous les êtres autres que les héros ou héroïnes, le dévoilement de leurs « relations » est rendu possible.
Selon la créatrice, la solitude n’a rien d’une nécessité qui doit être défendue, elle est même sans justification ce qui la rend plus âpre. Personne ne peut s’y retrouver sauf à être des ascètes ou une Maria Zambrano.
La romancière prouve que la solitude non choisie appartient à ces sentiments existentiels que nous assumons mal au moment où elle envahit et que sa pression vient du dehors. Elle est devenue un piège imposé par les circonstances (limogeage, décès, etc.). Et la parole de Svit ne prétend pas en libérer. Au contraire. Elle souligne une circonstance assiégeante et immédiate, un usage excessif obligé et qui désagrège.
Les nouvelles deviennent les temps de cette déroute, intime, humaine, trop humaine. La victoire ne peut se remporter sur la solitude et sa déroute. Mais la créatrice ne tombe jamais dans le pathos. L’humour discret est là pour montrer ce qui taraude du centre de notre être et la totalité des instants donc et progressivement la vie entière.
Brina Svit propose une écriture qui fait retenir les mots afin de suggérer comment la solitude fait se détacher d’eux et peut-être se détacher de nous. Les mots retenus sont donc appropriés à la thématique d’ensemble, assujettis au rythme marqués au sceau de la domination de l’amour lorsqu’il manque. L’auteure montre combien cette absence n’est pas ce qu’en disait Beckett – à savoir « le meilleur des biens » mais son contraire lorsque la seule rencontre au cœur d’une journée est celle de la rencontre d’une employée de supérette derrière sa caisse.
Les mots alors entrent, précis, dans le processus d’un lâchage au moment d’une impossible réconciliation. L’amour est donc, en son après, un désastre. Il n’existe même plus l’humiliation de l’adversaire – amant ou amante de jadis. La solitude est là : c’est une « chose » qui sape. Plus question de jeter l’interdit sur sa « nécessité ». Si bien qu’écrire comme le fait l’auteure est ni plus ni moins que le contraire de parler au moment où le silence est devenu permanent.
Jean Paul Gavard-Perret
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