Les volatiles de Fra Angelico, Antonio Tabucchi (par Philippe Leuckx)
Les volatiles de Fra Angelico, novembre 2018, trad. italien Bernard Comment, 96 pages, 12 €
Ecrivain(s): Antonio Tabucchi Edition: Gallimard
Treize nouvelles du grand connaisseur de Pessoa (Une malle pleine de gens), disparu trop tôt, que l’on avait apprécié pour des livres vibrants tels Pereira prétend ou Tristano meurt.
Cette nouvelle traduction, due à l’écrivain italianiste Bernard Comment, permet au lecteur de prendre bonne mesure des atouts de la narration de Tabucchi, dans des tonalités diverses : la première nouvelle, éponyme, réussit à faire de la peinture et du frère Angelico un univers du merveilleux partageable ; les références personnelles du romancier qui avoue dans l’un des textes qu’il n’a pu achever un roman et s’en explique ; des lettres à Goya et à la Passionaria Ibarruri ; l’aire de l’art aussi…
Un échange entre Tabucchi et un lecteur hindou fan de son œuvre donne lieu à un décodage subtil d’une œuvre (Nocturne indien).
Ailleurs, des « Gens heureux » montrent la voie au bonheur saisissable et enjoignent le lecteur à prendre la vie dans l’ouverture de ce qu’elle favorise.
Le nouvelliste donne ampleur, atmosphère et réalisme pointilliste à ces textes qui recèlent des pépites d’écriture : « la mélancolie que procurent les choses une fois finies » (p.24) ; « Pendant ces nuits je reçus de nombreuses histoires » (p.67) ; « Je me rends compte qu’on ne doit pas écrire aux morts » (p.83).
Une note liminaire de l’auteur lui-même éclaire ces narrations indépendantes mais qui ont l’atout de conjoindre de mêmes préoccupations : l’usage du monde et de ses rencontres, l’intérêt incessant pour la création sous toutes ses formes.
Elles bruissent, selon l’auteur, d’un « bourdonnement » intérieur, quoique l’aspect « lacunaire » de certains de ces textes donne à réfléchir sur le pouvoir de la fiction et la manière qu’a le romancier de jongler avec les écritures.
Ce petit livre brillant donnera l’envie de retourner à des œuvres plus denses, plus copieuses, qui ont fait la réputation méritée de Tabucchi, du rang desquelles Pereira prétend émerge avec une maestria émouvante.
Philippe Leuckx
- Vu : 1963