Le réveil de la bête, Jacques Moulins (par Jean-Jacques Bretou)
Le réveil de la bête, Jacques Moulins, Gallimard, Coll. Série Noire, septembre 2020, 375 pages, 18 €
Apparemment Maryam Binebine est une jeune femme comme une autre. Après une semaine de travail passée derrière son ordinateur, elle ne dédaigne pas de s’encanailler un peu. D’ailleurs pourquoi aurait-elle pris ses distances avec sa famille d’origine marocaine et se serait-elle affranchie de la présence de son tuteur de frère si ça n’était pour profiter un peu de sa liberté ? Ce samedi, il est à peine vingt heures qu’elle danse à Belleville chez Pepe. Elle s’amuse, se détend. Et puis le lendemain, son amie Salima Duval la découvre étendue, nue sur son lit, égorgée. Aussitôt, elle appelle la police et la commissaire Annick Lebèque de la police parisienne qui ne peut que constater le décès.
Trois jours plus tard le commandant Deniz Salvere d’Europol et sa collègue Elsa Minetti, prévenus par la presse, sont là à « titre officieux ». Ils s’enquièrent auprès de leur collègue parisienne des circonstances du décès la jeune femme de trente-quatre ans. Il s’avère que Maryam était une « indic » de Salvere et que là où ce dernier voit un décès dû à des activités terroristes, son collègue d’Europol, Brenner, pense à un crime dû à la cybercriminalité islamiste.
Ce livre nous fait pénétrer dans les arcanes d’Europol que l’auteur semble bien connaître. Il nous permet d’apprécier les contours de l’organisation qui s’étend de l’ancienne Europe de l’Est à l’Europe de l’Ouest et l’étendue de son pouvoir en fonction de la politique de police de chaque pays. D’anciens réflexes culturels des zones concernés se réveillent en fonction de la situation présente, le passé et les habitudes ne sont jamais loin, par ailleurs les luttes intestines entre services semblent être monnaie courante.
De très mauvaises habitudes paraissent également partagées par l’ensemble des pays, on pourrait parler de réflexes anthropologiques primaires qui désignent l’ennemi à abattre. De même que l’étude ethnographique des groupes d’individus en présence et les intérêts qu’ils visent peuvent permettre de qualifier sans trop d’erreurs leurs comportements comme grégaires. Il s’agit bien du « réveil de la bête ».
Il reste qu’il ne s’agit que d’un roman bien que le mot ne figure nulle part. La théorie développée par l’auteur, visant à désigner le nouvel ennemi à abattre caché sous les oripeaux du « populisme » plutôt que ceux plus connus d’un islamisme fanatique, lui appartient. Ceci dit, on ne connaît pas Jacques Moulins, sinon qu’il aurait été journaliste. Les moteurs de recherche restent muets sur ce monsieur et son premier roman. Pourtant bien que parfois un peu compliqué, compte tenu du nombre d’intervenants en action, ce livre est agréable à lire et de bonne facture.
Jean-Jacques Bretou
Jacques Moulins, né à Montpellier, a passé son enfance à Marseille et fait ses études universitaires à Aix avant de devenir journaliste. Le réveil de la bête est son premier roman à la Série Noire.
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