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Le monde futur, Wang Xiaobo

Ecrit par Victoire NGuyen 07.02.14 dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Asie, Roman

Le monde futur, traduit du chinois par Mei Mercier, octobre 2013, 190 Pages, 20 €

Ecrivain(s): Wang Xiaobo Edition: Actes Sud

Le monde futur, Wang Xiaobo

 

La résistance d’un intellectuel


Le monde futur est un récit qui se scinde en deux temps. D’abord, le livre s’ouvre sur l’histoire de « L’oncle ». Cet homme, décédé au moment où commence l’intrigue, a été écrivain. Cependant ses œuvres n’ont jamais été publiées : « Mon oncle était écrivain, mais il n’a rien publié de son vivant ». Le narrateur, son neveu, est chargé d’écrire une biographie de cet oncle : « (…) ils sont venus me voir et m’ont demandé de consacrer à mon honorable oncle une biographie ». Et c’est l’occasion pour le narrateur de commenter l’histoire de vie de son oncle et particulièrement ses relations avec les femmes. C’est aussi une opportunité pour ce biographe de mettre en exergue ses propres émois sexuels face à sa tante pour qui il nourrit passion et fantasmes érotiques. Racontée sur le mode de la dérision et de l’humour, la biographie est immédiatement condamnée. Loin d’une narration classique, le livre choque par ses références sexuelles. Le narrateur est accusé de pornographie et devient à son tour un être nuisible à reconditionner.

La chute du narrateur constitue le deuxième volet du roman intitulé « Moi-même ». Il est alors dépouillé de ses richesses et de son ancienne vie. Devenu un homme « à réinsérer », il vit alors l’envers du décor. Humilié, maltraité, il vivote grâce à un petit salaire de misère jusqu’au jour où…

Le monde futur est un récit qui porte haut les valeurs hédonistes et la rage de vivre des personnages. Cependant, l’amour de la vie et de la jouissance est considéré comme un acte de non soumission face à un Etat totalitaire. Wang Xiaobo met ici en lumière la condition de vie des intellectuels sous le régime communiste des années 80-90. L’absurdité des situations, la lourdeur administrative et la violence faite à l’individu sont décrites avec une virtuosité sans pareille. Le traitement des intellectuels n’est pas non plus oublié par l’auteur. Notre personnage subit des pressions et des autocritiques qui vont le conduire à devenir « écrivant » pour le régime. Il va écrire pour le compte du gouvernement jusqu’à vider la littérature de sa substance, jusqu’à être dégoûté de lui-même : « (…) je suis même autorisé à écrire des livres comme avant, des livres comme Mon oncle voire des livres encore plus obscènes, à condition que je ne les publie pas. Mais je n’ai plus du tout envie d’écrire des livres comme çà, je suis même devenu complètement réfractaire à l’écriture – après tout, n’est-ce pas le fait que j’aie voulu écrire quelque chose qui m’a conduit là où j’en suis ? ».

Derrière les malheurs du personnage principal c’est la vie de Wang Xiaobo qui est évoquée, c’est sa vie d’écrivain qui a été piétinée au profit des idéologies totalitaires. Les dernières lignes sont comme des confidences de Wang Xiaobo chuchotées à l’oreille du lecteur attentif :

« Maintenant je sais que rien dans ce monde ne pourra me servir de talisman. Si vous êtes encore jeune et si vous pensez que vous avez du talent, vous trouverez tout cela horrible. Mais après l’avoir véritablement vécu, je suis parvenu à la conclusion suivante : une fois qu’on a “commencé”, il n’y a plus rien d’horrible dans ce monde. La seule chose qui me fasse encore une peur aujourd’huic’est la mort. Après la mort, je n’aurai plus rien à craindre ».

Wang Xiaobo s’est éteint en 1997…

 

Victoire Nguyen

 


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A propos de l'écrivain

Wang Xiaobo

 

Wang Xiaobo est né en 1952, il appartient à cette « génération perdue » qui a vécu les brimades et frustrations sous la Révolution culturelle. Il a été ouvrier avant de devenir enseignant en sociologie à l’université de Pékin jusqu’à 1992. Il s’est ensuite consacré à l’écriture. Il a eu beaucoup de succès à Taiwan et à Hong Kong mais censuré en Chine. Son décès survenu en 1997 et l’expansion de l’internet ont permis à ses textes de sortir de l’ombre. Il est maintenant considéré comme un grand auteur par une partie de la jeunesse chinoise cultivée.

 

A propos du rédacteur

Victoire NGuyen

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Un peu de moi…

Je suis née au Viêtnam en 1972 (le 08 Mars). Je suis arrivée en France en 1982.

Ma formation

J’ai obtenu un Doctorat es Lettres et Sciences Humaines en 2004. J’ai participé à des séminaires, colloques et conférences. J’ai déjà produit des articles et ai été de 1998 – 2002 responsable de recherche  en littérature vietnamienne dans mon université.

Mon parcours professionnel

Depuis 2001 : Je suis formatrice consultante en communication dans le secteur privé. Je suis aussi enseignante à l’IUT de Limoges. J’enseigne aussi à l’étranger.

J'ai une passion pour la littérature asiatique, celle de mon pays mais particulièrement celle du Japon d’avant guerre. Je suis très admirative du travail de Kawabata. J’ai eu l’occasion de le lire dans la traduction vietnamienne. Aujourd’hui je suis assez familière avec ses œuvres. J’ai déjà publié des chroniques sur une de ses œuvres Le maître ou le tournoi de go. J’ai aussi écrit une critique à l’endroit de sa correspondance (Correspondance 1945-1970) avec Mishima, auteur pour lequel j’ai aussi de la sympathie.