La lumière est à moi et autres nouvelles, Gilles Paris (par Sylvie Ferrando)
La lumière est à moi et autres nouvelles, octobre 2018, 208 pages, 19 €
Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: GallimardCe recueil de nouvelles de « Haute enfance » commence en force et en beauté avec deux excellents textes, construits en miroir, « Les pins parasols » et « Anton – Les pins parasols », où les récits à vif de deux des trois personnages principaux, Brune et Anton, se font écho. L’intrigue est ainsi peu à peu dévoilée, les zones d’ombre s’éclaircissent et les personnages prennent épaisseur et complexité à travers le regard qu’un autre protagoniste porte sur eux.
D’autres pépites scintillent d’émotion et d’invention créative, comme « Gris », qui prend place dans une famille d’acrobates, « Enfants de cœur » ou « Les pétales jaunes de Panarea ».
Gilles Paris s’intéresse aux destins d’enfants et d’adolescents blessés, perdus, malades, maltraités, esseulés, isolés, destins qui vont prendre un tour nouveau, s’enliser ou s’éclaircir, comme dans la vie, la poésie en plus. Foyers désunis, meurtrissures, petites et grandes, drames familiaux, amicaux ou amoureux, l’expression de ces brisures de la vie est tout en pudeur, à l’image des enfants/héros qui subissent plus qu’ils n’agissent, mais ressentent, réfléchissent, analysent, révèlent les malchances qui se muent en chances ou les bonheurs qui se transforment en malheurs. C’est l’enfant qui parle et qui – toujours – est en quête d’amour, d’amitié et de reconnaissance.
Les intrigues, qui prennent place tout autour du monde, sont colorées de soleil, parfois baignées de mer : « Sur le toit du monde » a lieu dans l’Utah, « Le fleuve des oiseaux peints » en Uruguay, « Julian » dans une île de l’océan Indien, « Les pétales jaunes de Panarea » en Sicile, « La lumière est à moi » dans les îles éoliennes, à Stromboli, « Eytan » à Lipari, dans une villa d’aristocrates… En effet, la plupart des dix-neuf nouvelles qui composent le recueil ne s’inscrivent pas dans un milieu désargenté, loin s’en faut, comme « Veille de Noël », où l’argent et les cadeaux sont très présents, mais où ces jouets et décorations révèlent un secret pesant à Sébastien.
La naïveté du discours touche parfois au parler de l’enfance : « Papa lève les yeux au ciel, enfin au plafond » ; « Avec Erwan, des fois à la douche de la piscine, on regarde nos kikis en rigolant et on se dit qu’à part faire pipi ça ne sert pas à grand-chose ». Mais parfois les phrases gonflent comme des voiles et nous embarquent : « Il faut bien qu’elle s’entraîne, que ce corps lui obéisse, que la danse et elle ne soient qu’une, enivrée par le ‘one, two, three’ qu’elle lance en claquant la langue, les yeux rivés sur ce miroir qui lui renvoie cette silhouette aussi gracile que celles des derviches tourneurs, la vidéo en boucle sur l’écran de télévision ».
Pourtant, qui mieux que l’auteur pourrait nous dévoiler sa démarche littéraire ? Dans une note de fin d’ouvrage, Gilles Paris nous livre que « La vie est faite de rencontres surprenantes. Toutes contribuent à faire trembler les murs de la fondation et offrir des textes semblables au monochrome, à la saturation des couleurs, comme un appel vibrant où les émotions n’ont plus d’artifices. Elles sont nues. Elles sont vraies. Elles nous parlent ». Ces voix d’adolescents en construction nous touchent par l’authenticité de leur point de vue, comme un retour vers l’enfance.
Sylvie Ferrando
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