La femme au petit renard, Violette Leduc
La femme au petit renard, septembre 2016, 144 pages, 7,50 €
Ecrivain(s): Violette Leduc Edition: Gallimard
Ce septième livre de l’auteur, paru la première fois en 1965, est un récit hallucinant où une vieille jeune fille et Paris tissent des liens insolites et prenants.
Voilà une femme tiraillée par la misère, la faim, le manque, dans une chambre étriquée, passer le plus clair (et le plus triste) de son temps à déambuler dans un Paris méconnaissable, peu amène à l’accueillir. Elle est une âme invisible, vêtue comme une mendiante, qui s’invective, revoit le temps passé, maîtrise si mal le présent à force de calculer sur tout, jusqu’aux grains de café qu’elle peut moudre.
D’un réalisme époustouflant, le récit met en scène des décors d’une vie réduite à ses plus simples expressions : on vivote, on regarde à défaut de pouvoir acheter ou prendre, on scrute le moindre signe, sachant que l’irrémédiable, seul, est à portée de vue et de la main.
Seul le compagnon – cette fourrure de renard – consent à donner un peu de chaleur à un univers forcément rétréci, à l’aune de la chambre de vie, mesquine, et seul le souvenir peut, parfois, donner le change, quoique les mentions de ce passé paraissent singulièrement minces, et quelques prénoms de femmes, croisées, énoncent le peu d’amitiés réelles que l’anti-héroïne a pu nouer dans ce désert des âmes.
La sécheresse du style, les phrases épurées, les notations crues, les excroissances légèrement poétiques comme des sursauts de vie dans le marasme : tout invite à retrouver le monde d’une romancière au scalpel, où tout semble aiguisé par une faim inouïe, un appétit de vivre sans cesse sanglé, une volonté d’aller au-delà des constats amers, à l’aune du personnage qui marche, qui marche, d’errance en errance, en rameutant autour d’elle quelques reliefs bien maigres d’une enfance blessée.
D’un Paris qui semble si revêche et si lâche, au fil des descriptions, on ressent certes la désespérance, l’anonyme pression des gens croisés et l’indéfectible ennui de ces rues, de ces trottoirs où tant de gens peuvent simplement se perdre, inconnus et fragiles.
Une prose unique et une invite ardente à se replonger dans l’œuvre d’une écrivaine que ne cite même pas le Petit Robert Noms propres de 2014 !
Philippe Leuckx
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