La chambre à remonter le temps, Benjamin Berton
La chambre à remonter le temps. 380 pages, 22 €. Septembre 2011
Ecrivain(s): Benjamin Berton Edition: GallimardEn voilà un livre étrange qui mêle avec brio hyper réalisme et science-fiction.
Le narrateur, Benjamin Berton lui-même, (d’ailleurs, le bandeau du livre indique qu’il s’agit d’une « histoire vraie ») s’installe avec sa femme, Céline, et sa fille, Ana, dans une nouvelle maison au Mans. Tout commence sous les meilleurs auspices. La vie prend le tour d’un rêve.
Mais le rêve devient peu à peu bien morne, cède la place à l’ennui. Chaque jour semble le jumeau du précédent, rien ne se passe, tout est tout le temps pareil. Le boulot. Les transports. Les semaines passent en attendant les week-ends.
Il y a bien les voisins qui sortent quelque cette vie de la torpeur. Benjamin se retrouve à former une sorte de milice, loin de toutes ses convictions, pour faire des rondes la nuit et alpaguer d’éventuels délinquants, comme un taggueur qui parsème quelques murs de ses signatures colorées. Mais Le Mans n’est pas exactement le Bronx…
Et pendant ce temps là, ses rapports avec Céline se détériorent.
La chambre à explorer le temps ressemble, à première vue, à une autofiction, une de plus, mais toujours avec une distance, un humour noir ou une insanité qui vient de temps en temps comme déstabiliser la narration.
Mais ce n’est pas qu’une autofiction. Le titre nous met sur une toute autre piste et nous embarque vers des mondes beaucoup moins réalistes.
Dans la nouvelle maison, il y a une chambre, qui a donc l’étrange pouvoir de remonter le temps.
« Elle fonctionne sur le modèle de la machine à remonter le temps de Wells », sauf qu’elle n’offre aucune possibilité de contrôle ou de pilotage. Il suffit d’y rester pendant quelque temps et alors on se retrouve projeté dans l’avenir ou dans le passé.
« La chambre me ramenait parfois en arrière, le plus souvent me projetait en une nuit de sommeil quelques jours ou quelques semaines dans le futur. »
Cette chambre ne répond à aucune logique scientifique, elle a plus à voir avec de la magie, l’alchimiste Fulcanelli serait passé par là…
Pendant que Benjamin est dans la chambre, son double, « l’ectoplasme », continue à vivre sa vie comme si de rien n’était. Il va au travail pour lui, s’occupe de ses dossiers, fait les courses.
Le seul problème, c’est que Benjamin n’a pas conscience de ce qui s’est passé. Quand il revient d’une échappée dans sa chambre, il lui faut reconstituer tout ce que son double a fait. Heureusement, il ne lui réserve aucune surprise, il ne fait que reproduire sa vie, sa vie morne et ennuyeuse. Et personne ne se rend compte de son absence. Il est parfaitement remplaçable.
« La chambre me faisait passer le temps sans que le monde s’en rende compte. »
Comme Benjamin Berton le fait dire à un de ses personnages, La chambre à remonter le tempsressemble à une histoire de littérature générale qui essaye de s’imposer un détour par le fantastique. Et ça marche. C’est de l’autofiction bien française passée à la moulinette de Ballard ou de Kurt Vonnegut Jr.
L’auteur nous plonge dans un monde ultra réaliste, pour mieux nous embarquer dans une histoire complètement improbable, mais bien plus ambitieuse que les trois quarts de la production littéraire française.
« Une histoire vraie » que Cette chambre à remonter le temps ? En tout cas, on y croit.
Yann Suty
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