L’ombre des chats, Arni Thorarinsson
L’ombre des chats (Ár kattarins), octobre 2014, traduit de l’islandais par Eric Boury, 300 pages, 20 €
Ecrivain(s): Arni Thorarinsson Edition: Métailié
L’ombre des chats nous permet de retrouver le journaliste du « Journal du soir », Einar, qui va peut-être se trouver à un tournant de sa carrière. Cela commence par un mariage entre femmes au cours duquel une plaisanterie au goût pour le moins douteux sera déposée au milieu des cadeaux aux mariées. Mais est-ce bien une plaisanterie ? La question se pose d’autant plus lorsque quelques jours après l’une des mariées est retrouvée morte. Apparemment un suicide partagé avec son ex, mais un suicide assisté par ordinateur ! Dans le même temps, Einar reçoit d’étonnants SMS, ressemblant à de la drague. Des SMS en provenance du porte-parole du parti socialiste qui est sur le point de déclarer sa candidature à la présidence du Parti.
Bien des évènements se bousculent et Einar va devoir en plus gérer l’absence de collègues, dont celle du rédacteur en chef, son mentor et son modèle en matière de journalisme et de déontologie. Comme dans la vie, un événement en bouscule un autre, à peine un problème trouve-t-il une ébauche de réponse qu’un autre survient. Le privé et le professionnel s’emmêlent et le héros, tout comme le lecteur, ne sait plus où donner de la tête. On se dit que là, on n’est pas comme dans un roman ou un film, avec une relative unité de lieu, de temps et d’action, mais plutôt au cœur d’un journal en train de se fabriquer, d’enquêtes en train de piétiner, de vies en train de se chercher.
Le Journal du soir vit un épisode important de son existence, sur le point d’être en partie racheté… mais par qui ? Pour être mis au service de quels intérêts partisans ? L’Islande peut paraître, de loin, un plutôt petit pays, les conflits d’intérêts n’en sont pas moins violents, les manœuvres politico-économiques et les manipulations médiatiques n’en sont pas moins tordues qu’ailleurs. C’est dans ce monde sans illusions que nous plonge Arni Thorarinsson, aux côtés de journalistes qui croient encore en leur métier et pour lesquels les grands mots ne sont pas des vains mots, mais des idées et vertus qui méritent qu’on les défende : honnêteté, vérité, éthique, indépendance… Mais pas sûr qu’y croire et de les défendre suffira à les protéger, surtout lorsque l’on se tient si près des acteurs, qu’ils soient ceux de la politique ou des faits divers…
Avec ce personnage de Rouletabille islandais, moitié journaliste, moitié détective, Arni Thorarinsson nous révèle, de titre en titre, les coulisses de la société islandaise, sans illusions ni concessions, avec un brin d’ironie et un sens du détail et du réalisme qui nous font toucher du doigt plutôt ce qui nous rapproche que ce qui nous distingue, nous autres lecteurs francophones partis par les mots à la découverte des réalités islandaises. Un vrai polar qui, au delà de l’intrigue policière, nous livre une lecture sociale et politique, mais surtout critique, d’une société que l’on dit « en crise », comme beaucoup d’autres.
Marc Ossorguine
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