Jour tranquille à Vézelay, Xavier Gardette (par Gilles Banderier)
Jour tranquille à Vézelay, La Chambre d’échos, avril 2019, 92 pages, 13 €
Ecrivain(s): Xavier Gardette
La devise informelle de l’ordre cartusien le proclame non sans une pointe de fierté : Stat crux dum volvitur orbis : La croix demeure immobile tandis que le monde tourne. Encore la traduction française rend-elle mal, comme c’est souvent le cas, la concision du latin et ses harmoniques propres (le verbe volvere se retrouve dans nos révolutions, au sens astronomique ou politique). Cette formule pourrait figurer en épigraphe du Jour tranquille à Vézelay. La basilique qui abrite une relique de sainte Marie-Madeleine – ou Marie de Magdala – se dresse sur sa colline, battue par les vents de l’Histoire. Elle figure « sur la courte liste des lieux où souffle l’esprit » (p.55). La croisade y fut prêchée, mais pas seulement : Romain Rolland vécut dans le village et Georges Bataille repose dans le cimetière. Jim Harrison vint non loin de Vézelay faire un repas digne de figurer dans les fastes de la gastronomie française, désormais pièce de musée. La colline immuable voit chaque jour ou presque passer son lot de pèlerins et, surtout, de touristes – concession à la modernité sécularisée. Parmi eux, combien sont capables de comprendre l’endroit où ils se trouvent, ce qui s’y est joué et peut-être s’y joue encore ? En un jour et même en une heure, des « vies minuscules » s’y croisent puis s’éloignent à jamais. À l’aune des siècles, même les couples qui durent – et ils durent de moins en moins, comme tout le reste – ne représentent pas grand-chose.
Le récit de Xavier Gardette met en scène cette danse des corpuscules, ce mouvement brownien de l’humanité. Jour tranquille à Vézelay est trop long pour être une nouvelle, mais trop bref pour être qualifié de roman, même s’il en possède l’ampleur panoramique et la qualité de vision. On le définirait bien en parlant de novela, forme illustrée par Harrison, même si le récit de Xavier Gardette s’inscrit surtout avec talent dans la tradition française de l’analyse psychologique et de la belle écriture.
Gilles Banderier
Xavier Gardette est l’auteur de plusieurs nouvelles et de quatre romans, dont Cent jours après la floraison des lys (La Chambre d’échos, 2015).
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