Jour tranquille à Vézelay, Xavier Gardette (par Philippe Leuckx)
Jour tranquille à Vézelay, La Chambre d’échos, avril 2019, 96 pages, 13 €
Ecrivain(s): Xavier Gardette
En une seule journée, on est en juin, à Vézelay, vœu de tous les touristes, et une dizaine de personnages s’entendent à se croiser, passent par le même cimetière, frôlent les mêmes pierres, s’interrogent tout doucement sur leur passé, sur leur avenir. Selon une logique imparable, chaque individu est très limité dans le nombre de rencontres vraies et durables qu’il pourra enregistrer sur une vie. L’art de Gardette est de nous faire croire que tout est possible et qu’il y a des impondérables, des situations aléatoires et tout le mystère avec.
Jour tranquille à Vézelay est une belle mécanique stylée de rencontres insolites dans un cadre d’été. Ce disciple d’Echenoz et de Toussaint aime jouer avec les possibilités narratives mais surtout une langue précise, très soignée, tient registre des secousses, des sensations, des sursauts d’émois et d’humeurs. Si une narration narquoise relate faits et gestes, l’humour n’est jamais loin ni le sarcasme ni l’âpre analyse psychologique.
Le lecteur est tenu de prendre quelque distance avec ce qui se joue sous ses yeux. Parmi les personnages, sans doute certains seront plus proches ; partagerons-nous les questions que se pose Laurence sur sa relation avec Philippe ou nous mettrons-nous, sac à dos, comme Paul, à randonner au travers de Vézelay ? Anna a retrouvé vingt ans après son amour de jeunesse Olivier. David et Lisa : rencontre ou faux départ ? N’oublions pas ces deux pérégrines de l’ordinaire, Océane et Manon, toutes prêtes à dénoncer par petits papiers distribués la « cause animale en danger »…
Passent dans la fiction – estampillée à plus d’une reprise comme telle – de subtiles références littéraires et artistiques (Jules Roy, Balthus, Désert des Tartares, Harpignies…).
La langue, grand atout de ce livre, sert une histoire qui comme la mélancolie boucle ce qui fut ouvert à l’entame :
« Chaleur méridienne, lumières longues, clochettes orangées des bignones accrochées au vieux mur du jardin de Laurence, douceur des soirs – quand l’été s’installe ainsi, Philippe ne peut concevoir que l’hiver existe en ces lieux »… (p.58).
D’hypothèse en description assurée du monde de Vézelay, Gardette se garde bien d’infléchir dans l’un ou l’autre sens le flux de sa fiction et de son imagination ; le grand réalisme des notations joue le rôle de l’indécidable, niche étonnante pour le lecteur qui croit, veut croire, s’embue de doutes, et clôt l’aventure en se disant qu’on l’a bien mené par le nez, signe imparable du grand talent.
Philippe Leuckx
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