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En Vitrine

La barque le soir, Tarjei Vesaas (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 06 Avril 2022. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Editions José Corti

La barque le soir, trad. norvégien, Régis Boyer, 192 pages, 19 € . Ecrivain(s): Tarjei Vesaas Edition: Editions José Corti

Régis Boyer, le traducteur et préfacier, pose la question essentielle quant à ce livre : roman, autobiographie ou poème ? Tout en admettant le tort que l’on aurait à vouloir circonscrire un ouvrage dans un genre particulier, surtout quand on reconnaît la richesse de ce même ouvrage, on est néanmoins assuré de la présence de la poésie dès les premières lignes. Non pas tant dans ce que la poésie pourrait véhiculer de formel, mais davantage dans les images, et dans cette volonté de l’écrivain à tendre, jusqu’à la pureté, vers ce qui n’est qu’impressions et sensations, comme dépouillées des contingences sociales. La poésie se mêle aussi, au sein du style, dans des élans itératifs, faits de morceaux de phrase ou de simples mots : tel un refrain, telle une ponctuation personnelle, le narrateur y revient, comme exprimant ses doutes ou sa perplexité face à ce qu’il perçoit et face à sa mémoire.

Car les souvenirs d’enfance s’immiscent souvent dans cet ouvrage : pour le narrateur, cette période se caractérise par de la rudesse et un mutisme pesant. Pourtant, l’auteur se fixe sur l’émerveillement, et sans jamais l’once d’une lourdeur, dans un souffle continu, il nous conduit, sorcier, à un instant de grâce, à ce qui paraît « insaisissable » (suivant le titre d’un chapitre) : oui, l’émerveillement est ici l’élu, le fil conducteur, le pilier, la justification de ce livre, où la nature est en vérité le personnage principal.

Suttree, Cormac McCarthy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 15 Mars 2022. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Suttree, Cormac McCarthy, trad. américain, Guillemette Belleteste, Isabelle Reinharez, 620 pages . Ecrivain(s): Cormac McCarthy Edition: Folio (Gallimard)

 

Ce livre déferle sur nous comme un flot terrible. Le langage lèche, frappe, blesse – un flot de débris, poétique et trouble. C’est intime et rude, sans cette netteté ennuyeuse et la volonté de clarté que vous trouvez dans n’importe quel roman bien fait. Cormac McCarthy a peu de pitié à partager, pour ses personnages ou pour lui-même. Son texte est brisé, beau et laid, c’est selon. M. McCarthy ne nous bercera pas avec une chanson douce. « Suttree » est comme un bon, long hurlement dans l’oreille.

Les lignes qui précèdent sont de Jerome Charyn : New York Times, 18 février 1979. Il n’est pas de meilleure introduction à ce qui suit.

Suttree est le roman le plus faulknérien de l’auteur le plus faulknérien. Jamais le flux de conscience n’avait retrouvé vie avec l’intensité, la brûlure que lui imprime Cormac McCarthy dans Suttree. Bien sûr, il y aura quelques années plus tard le très beau et très obsessionnel Méridien de sang, mais c’est bien dans Suttree que McCarthy déploie totalement son manifeste littéraire, celui qui proclame la langue comme objet central de la littérature.

Les 200 écrivains du Club de La Cause Littéraire

, le Vendredi, 19 Novembre 2021. , dans En Vitrine, Les Livres, La Une Livres

 

Voici les 200 écrivains du Club de La Cause Littéraire. Les 200 ont tous obtenu au moins 9 voix.

 

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William Faulkner 47

Fiodor Dostoievski 45

Franz Kafka 44

Gustave Flaubert 43

Marguerite Yourcenar 42

Honoré de Balzac 41

Victor Hugo 40

Marcel Proust 40

L’histoire de l’amour, Nicole Krauss (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 09 Novembre 2021. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

L’histoire de l’amour (The History of Love, 2006), trad. américain, Bernard Hœpffner, 459 pages, 9,20 € . Ecrivain(s): Nicole Krauss Edition: Folio (Gallimard)

Dès les premières pages, le phrasé du narrateur nous emmène dans les rues du shtetl, loin, aux frontières de la Pologne et de la Russie, dans un pays qui n’existe plus : le village des Juifs miséreux que les pogroms puis les nazis ont exterminés ou fait fuir là où ils pouvaient vivre – ou survivre – encore. Le phrasé du conteur avec son humour désabusé, son souci du détail, sa langue visuelle, cette langue prodigue qui colorait un peu la grisaille et la misère des jours et des nuits d’angoisse, de pauvreté et de désespoir, reproduisent comme un conte du Shtetl ou une narration d’un personnage de Bernard Malamud.

Quand je suis arrivé en Amérique, je ne connaissais presque personne, si ce n’est un cousin éloigné qui était serrurier, et j’ai donc travaillé pour lui. S’il avait été cordonnier, je serais devenu cordonnier ; s’il avait pelleté de la merde, moi aussi j’aurais pelleté. Mais. Il était serrurier. Il m’a appris le métier, et c’est ce que je suis devenu. Nous avions une petite affaire, tous les deux, et puis une année, il a attrapé la tuberculose, on a dû lui enlever le foie, sa température est montée jusqu’à 41 et il est mort, alors j’ai repris l’affaire. J’envoyais à sa femme la moitié des bénéfices, même après son mariage avec un médecin et son déménagement à Bay Side. J’ai fait ce métier pendant plus de cinquante ans. Ce n’était pas ce que je m’étais imaginé faire. Et pourtant. En vérité j’ai fini par l’aimer, ce métier. J’aidais à entrer ceux qui étaient enfermés dehors, j’aidais d’autres à laisser dehors ceux qui ne devaient pas entrer, pour qu’ils puissent dormir tranquilles.

La Divine Comédie, Dante, en La Pléiade (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 28 Octobre 2021. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Italie, La Pléiade Gallimard

La Divine Comédie, Dante, Gallimard, La Pléiade, octobre 2021, Edition bilingue, trad. italien, Jacqueline Risset, 1488 pages, 62 € . Ecrivain(s): Dante Alighieri Edition: La Pléiade Gallimard

« Dante nous veut pélerins, avec lui, dans l’itinéraire du salut, et nous place d’emblée au centre de son histoire, avec un “notre” qui nous concerne tous :

Au milieu du chemin de notre vie

je me retrouvai par une forêt obscure,

car la voie droite était perdue » (Préface Carlo Ossola)

« Ô lumière et bonheur de tous les poètes,

que m’aident la longue étude et le grand amour

qui m’ont fait chercher ton ouvrage.

Tu es mon maître et mon auteur,

tu es le seul où j’ai puisé

le beau style qui m’a fait honneur » (L’Enfer, Chant I)