Dans ce nouveau recueil de treize nouvelles, Franz Bartelt poursuit son travail de sape d’une époque dont il scrute avec toujours autant d’humour noir les innombrables failles. Son inspiration puise dans les travers humains dont il pousse les conséquences à l’extrême. Ses personnages enfermés dans leur logique obsessionnelle deviennent ridicules, pathétiques, mais aussi métaphoriques d’une quête dont ils sont in fine les principales victimes. Ainsi en est-il, dans la nouvelle Le bel été, de cet homme qui passe son existence à retrouver un fils soi-disant disparu alors que le sens de sa vie se résume à la recherche de l’enfant heureux qu’il a été un bref instant dans sa jeunesse, ou encore dans la nouvelle éponyme Comment vivre sans lui ? qui décline les absurdités du star system.
Autre thème : imaginez, c’est l’objet de la nouvelle Le bon chien, que vous ayez recueilli un berger allemand abandonné qui ne réagit à aucun des noms que vous vous êtes ingénié à lui donner et qui brusquement, alors que vous regardez un documentaire télévisé sur la seconde guerre mondiale, manifeste une jubilation spectaculaire en entendant un soldat du Reich prononcer « Heil Hitler ! ». Dès lors, il n’obéit à vos ordres qu’à cette unique apostrophe. Maintenant emmenez le chien avec vous dans la rue et assumez les conséquences.
Deux petits exemples, le recueil en abonde, des situations absurdes et cocasses qui font le miel de ce livre aux surprises réjouissantes, mais où la mort cruelle et cynique rôde toujours au détour d’une chute inattendue.
Le regard de l’auteur s’enrichit à plusieurs reprises d’une approche métaphysique, où, au risque de paraphraser saint Paul, force est de constater que les voies du Seigneur sont impénétrables aux hommes qui le prient d’exaucer des souhaits aussi farfelus qu’indignes de son infinie sagesse. Un Dieu qui dans la nouvelle Problème a de grands soucis avec les autres. Un immense et divin ras-le-bol le conduit, entre deux cigares et quelques grandes lampées d’anisette, à éliminer tous ces fauteurs de troubles, ces empêcheurs de quiétude, et à annihiler ce qu’il a créé dans une grandiose retro Genèse.
Les relations de couple n’échappent pas, c’est récurrent dans l’œuvre de l’écrivain, à un humour décapant. La vie à deux est faite de mensonges accommodants dans Brocantes et vide-grenier, Travail d’artiste ou Les boules. L’hypocrisie pour sauvegarder les apparences, tenter de maintenir l’illusion d’une union harmonieuse aux yeux des autres est partagée par les deux sexes de manière assez équitable. Encore peut-on déceler sous la plume de Franz Bartelt, une certaine jouissance à rendre les femmes plus expertes en la matière et lorsqu’il les portraiture adolescentes, le trait devient cinglant.
« C’est ridicule, geignait Missaire. Elle écrit avec un manche de balai même pas taillé en pointe. Elle passe son temps à chantonner L’amour a fait de moi une écrivaine. Elle se voit déjà avec des prix. C’est devenu rengaine /…/ Elle écrira des romans où la femme sera le bonheur de l’homme. Elle s’y croit déjà, mais elle n’y arrivera jamais », p.227 (Mise à mort).
Enfin, quand l’une de ses héroïnes est mue par un amour sincère, elle n’hésite pas à offrir à sa tendre moitié, imbue de son statut de consommateur roi, un collier et une laisse afin de contrôler ses faits et gestes et lui éviter de fâcheux déboires avec les commerçants exaspérés par son comportement intransigeant (Le monde à l’envers).
Comment vivre sans lui ? distille treize moments où l’on retrouve tout ce que l’on aime chez cet écrivain prolifique : la créativité, l’humour, le sens de la formule, la plume incisive, l’autodérision salutaire, la liberté de ton et l’approche décalée.
L’univers déjanté de Franz Bartelt est d’une noirceur dynamique qui force le sourire, d’un tragique qui refuse de se prendre au sérieux autant par tact que par politesse.
Franz Bartlet est né en 1949 de parents d’origine poméranienne installés dans l’Eure puis, quelques années après la naissance de Franz, dans les Ardennes. Il commence à écrire dès l’âge de treize ans et quitte l’école à quatorze ans pour travailler. Il enchaîne les petits boulots et est embauché à dix-neuf ans dans une usine de papier à Givet.
A partir de 1980 il se consacre à temps plein à l’écriture. Poète, nouvelliste, dramaturge et feuilletoniste, il donne également huit pièces de théâtre à France-Culture et des chroniques estivales au journal L’Ardennais. À partir de 1995, il connaît la consécration avec la publication de ses romans, tous applaudis par la critique et, pour certains, sélectionnés pour les prix littéraires : Les Fiancés du paradis ; La Chasse au grand singe ; Le Costume ; Les Bottes rouges (Grand Prix de l’humour noir) ; Le Grand Bercail ; Terrine Rimbaud ; Le bar des habitudes (Prix Goncourt de la Nouvelle) ; La mort d’Edgar.
Maisons d’édition les plus fréquentes : Rivages, L’Olivier, Zulma, Gallimard, Jigal, Buschet/chastel, Du rocher, la Table ronde, Bourgois, Belfond, Wombat etc.
Comment vivre sans lui ?, Franz Bartelt
Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa 16.12.16 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Gallimard
Comment vivre sans lui ?, octobre 2016, 272 pages, 18 €
Ecrivain(s): Franz Bartelt Edition: GallimardDans ce nouveau recueil de treize nouvelles, Franz Bartelt poursuit son travail de sape d’une époque dont il scrute avec toujours autant d’humour noir les innombrables failles. Son inspiration puise dans les travers humains dont il pousse les conséquences à l’extrême. Ses personnages enfermés dans leur logique obsessionnelle deviennent ridicules, pathétiques, mais aussi métaphoriques d’une quête dont ils sont in fine les principales victimes. Ainsi en est-il, dans la nouvelle Le bel été, de cet homme qui passe son existence à retrouver un fils soi-disant disparu alors que le sens de sa vie se résume à la recherche de l’enfant heureux qu’il a été un bref instant dans sa jeunesse, ou encore dans la nouvelle éponyme Comment vivre sans lui ? qui décline les absurdités du star system.
Autre thème : imaginez, c’est l’objet de la nouvelle Le bon chien, que vous ayez recueilli un berger allemand abandonné qui ne réagit à aucun des noms que vous vous êtes ingénié à lui donner et qui brusquement, alors que vous regardez un documentaire télévisé sur la seconde guerre mondiale, manifeste une jubilation spectaculaire en entendant un soldat du Reich prononcer « Heil Hitler ! ». Dès lors, il n’obéit à vos ordres qu’à cette unique apostrophe. Maintenant emmenez le chien avec vous dans la rue et assumez les conséquences.
Deux petits exemples, le recueil en abonde, des situations absurdes et cocasses qui font le miel de ce livre aux surprises réjouissantes, mais où la mort cruelle et cynique rôde toujours au détour d’une chute inattendue.
Le regard de l’auteur s’enrichit à plusieurs reprises d’une approche métaphysique, où, au risque de paraphraser saint Paul, force est de constater que les voies du Seigneur sont impénétrables aux hommes qui le prient d’exaucer des souhaits aussi farfelus qu’indignes de son infinie sagesse. Un Dieu qui dans la nouvelle Problème a de grands soucis avec les autres. Un immense et divin ras-le-bol le conduit, entre deux cigares et quelques grandes lampées d’anisette, à éliminer tous ces fauteurs de troubles, ces empêcheurs de quiétude, et à annihiler ce qu’il a créé dans une grandiose retro Genèse.
Les relations de couple n’échappent pas, c’est récurrent dans l’œuvre de l’écrivain, à un humour décapant. La vie à deux est faite de mensonges accommodants dans Brocantes et vide-grenier, Travail d’artiste ou Les boules. L’hypocrisie pour sauvegarder les apparences, tenter de maintenir l’illusion d’une union harmonieuse aux yeux des autres est partagée par les deux sexes de manière assez équitable. Encore peut-on déceler sous la plume de Franz Bartelt, une certaine jouissance à rendre les femmes plus expertes en la matière et lorsqu’il les portraiture adolescentes, le trait devient cinglant.
« C’est ridicule, geignait Missaire. Elle écrit avec un manche de balai même pas taillé en pointe. Elle passe son temps à chantonner L’amour a fait de moi une écrivaine. Elle se voit déjà avec des prix. C’est devenu rengaine /…/ Elle écrira des romans où la femme sera le bonheur de l’homme. Elle s’y croit déjà, mais elle n’y arrivera jamais », p.227 (Mise à mort).
Enfin, quand l’une de ses héroïnes est mue par un amour sincère, elle n’hésite pas à offrir à sa tendre moitié, imbue de son statut de consommateur roi, un collier et une laisse afin de contrôler ses faits et gestes et lui éviter de fâcheux déboires avec les commerçants exaspérés par son comportement intransigeant (Le monde à l’envers).
Comment vivre sans lui ? distille treize moments où l’on retrouve tout ce que l’on aime chez cet écrivain prolifique : la créativité, l’humour, le sens de la formule, la plume incisive, l’autodérision salutaire, la liberté de ton et l’approche décalée.
L’univers déjanté de Franz Bartelt est d’une noirceur dynamique qui force le sourire, d’un tragique qui refuse de se prendre au sérieux autant par tact que par politesse.
On peut en abuser sans risquer de se lasser.
Catherine Dutigny/Elsa
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A propos de l'écrivain
Franz Bartelt
Franz Bartlet est né en 1949 de parents d’origine poméranienne installés dans l’Eure puis, quelques années après la naissance de Franz, dans les Ardennes. Il commence à écrire dès l’âge de treize ans et quitte l’école à quatorze ans pour travailler. Il enchaîne les petits boulots et est embauché à dix-neuf ans dans une usine de papier à Givet.
A partir de 1980 il se consacre à temps plein à l’écriture. Poète, nouvelliste, dramaturge et feuilletoniste, il donne également huit pièces de théâtre à France-Culture et des chroniques estivales au journal L’Ardennais. À partir de 1995, il connaît la consécration avec la publication de ses romans, tous applaudis par la critique et, pour certains, sélectionnés pour les prix littéraires : Les Fiancés du paradis ; La Chasse au grand singe ; Le Costume ; Les Bottes rouges (Grand Prix de l’humour noir) ; Le Grand Bercail ; Terrine Rimbaud ; Le bar des habitudes (Prix Goncourt de la Nouvelle) ; La mort d’Edgar.
A propos du rédacteur
Catherine Dutigny/Elsa
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Rédactrice
Membre du comité de lecture. Chargée des relations avec les maisons d'édition.
Domaines de prédilection : littérature anglo-saxonne, française, sud-américaine, africaine
Genres : romans, polars, romans noirs, nouvelles, historique, érotisme, humour
Maisons d’édition les plus fréquentes : Rivages, L’Olivier, Zulma, Gallimard, Jigal, Buschet/chastel, Du rocher, la Table ronde, Bourgois, Belfond, Wombat etc.