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Chroniques politiques des années trente (1931-1940), Maurice Blanchot

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret 17.05.17 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Gallimard

Chroniques politiques des années trente (1931-1940), Les Cahiers de la NRF, avril 2017, 560 pages, 29 €

Ecrivain(s): Maurice Blanchot Edition: Gallimard

Chroniques politiques des années trente (1931-1940), Maurice Blanchot

Pour aborder les chroniques politiques de Blanchot, il ne faut pas chercher où se situe son propos par rapport aux traditionnels discours et doxas des écrivains politiques. Pour autant son propre discours n’est pas simplement « littéraire ». Mais il représente trop une remise en question de la politique pour ne pas échapper à sa « zone » d’influence. Blanchot comprend vite que la politique n’est pas à même de s’attribuer ce qu’elle prétend accomplir. D’une certaine manière elle peut paraître « sans droits » tant elle les bafoue. Si bien qu’il demande aux politiciens ce qu’ils ne peuvent pas : être conséquents avec leurs actes.

Une telle attitude est pratiquement brute et sauvage. Blanchot s’est donc heurté à une impasse que l’invasion allemande signera pratiquement définitivement. Certes, il se sentait déjà « démissionnaire » par rapport à ses écrits politiques. Et lorsque Drieu de la Rochelle lui demanda de bien vouloir continuer à écrire dans la NRF « à condition d’écarter tous textes politiques », la messe était dite. Et Blanchot d’ajouter : « écrivain inconnu je ne constituerais pas une digue suffisante contre les occupants ». Une page se tournait.

L’auteur signera quelques textes jusqu’en 1968 contre la répression policière mais aux textes engagés se substitua la masse d’articles littéraires. Pas forcément « dégagés » ils furent réunis dans La condition critique chez Gallimard en 2010.

Ajoutons qu’à l’époque où il écrivit ses textes « politiques », Blanchot n’avait qu'un droit de cité bien relatif. Et certains ont tenté de salir sa réputation en le taxant d’écrivain à la parole double. Dans les années 30, il peut paraître naïf en son radicalisme et son appel à la seule révolution face à la corruption de la finance. Toutefois plongé au sein des incertitudes et les vicissitudes de l’époque et face aux idéologies bipolaires, Blanchot mit à nu la situation inconfortable (euphémisme) dans laquelle le peuple de France était piégé. Il la décrit souvent de manière plus intelligente que le fit le souverainisme surréaliste.

Mais la parole de l’auteur du Pas au-delà était trop naturellement loin de l’idéologie politique pour ne pas être perçue comme « hors sol ». Cela s’entend parfois dans ses textes où le philosophe – existentiel plus qu’existentialiste – fait retour. Néanmoins Blanchot a saisi dans les échos retentissants des mouvements de l’époque « l’usage posthume d’une pensée dans lesquels se ressassent les démons ». Tous conduisent à la mort. Et Blanchot identifia dès le début des années 40 que les révolutions ne chantaient jamais. L’auteur avait déjà compris Thomas Mann, Gide.

Entre exploitations diverses et utopisme fût-ce sous le nom de Marx, de Proudhon voire de Platon, Blanchot a compris assez vite qu’au nom de rupture radicale tout n’est qu’illusion. Le discours philosophique fit donc bien vite retour. Mais là où le philosophe dans la lignée de Levinas chercha un compromis, il préféra, côté politique, le silence aux bavardages d’une intelligentzia française qui se prosterna devant certaines statues et autres veaux d’or.

La parole politique de Blanchot n’a donc rien de rusée et ruée : elle est trop naturellement proche de l’être et trop vagabonde pour se laisser conduire par le démon des systèmes. La politique est pour lui un cours brisé, non suivi. Blanchot n’en possédait pas la « tête ». Certes il ne sera pas insensible aux événements du monde mais « l’inachèvement » de sa parole trouva d’autres chats à fouetter. Derrière le politique raté, l’écrivain majeur couvait. Il allait faire bouger les lignes.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 


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A propos de l'écrivain

Maurice Blanchot

 

Maurice Blanchot est un romancier, critique littéraire et philosophe français, né le 22 septembre 1907 au hameau de Quain, dans la commune de Devrouze en Saône-et-Loire, mort le 20 février 2003 au Mesnil-Saint-Denis, Yvelines.

 

A propos du rédacteur

Jean-Paul Gavard-Perret

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Domaines de prédilection : littérature française, poésie

Genres : poésie

Maisons d’édition les plus fréquentes : Gallimard, Fata Morgana, Unes, Editions de Minuit, P.O.L


Jean-Paul Gavard-Perret, critique de littérature et art contemporains et écrivain. Professeur honoraire Université de Savoie. Né en 1947 à Chambéry.