Ce léger rien des choses qui ont fui, Alain Duault
Ce léger rien des choses qui ont fui, mai 2017, 208 pages, 19 €
Ecrivain(s): Alain Duault Edition: Gallimard
Pour Alain Duault l’essence de l’amour participe aux lèvres du temps : de l’aurore au soir de la vie peut en jaillir le même goût. Mais les mains aussi comme le reste du corps participent à l’énigme intime qui paradoxalement arrive à effacer celui de l’univers. Il ne s’agit pas dans ce but de ressasser le passé mais de revenir à un éternel présent. Il n’est pas sans passé mais ne fait pas injure au possible.
Echantillon du vacarme ou souffle à peine, l’amour est bien plus qu’un soubresaut. Prenant appui sur le silence, naissant de ses abîmes, le poète l’intègre à son rythme comme une secrète respiration peu à peu restituée au temps. Et qu’importe si celui-ci conduit irrémédiablement à la nuit. Il faut croire qu’un jour « se lèvera demain », ici même, et « continuer à chercher la sortie du labyrinthe » revient à accepter de s’y perdre afin de refuser de s’apparenter au néant.
Duault touche au plus profond, comme dans les lieder de Schubert, dans les quelques lignes mélodiques de Beethoven ou dans les partitions musicales demandées de Philip Glass. Le poète crée sa musique paradoxale, à la limite du murmure, l’union des contraires : présence et absence, force et faiblesse. C’est là la manière du poète afin d’appréhender ce Grand Secret cher à Henri Michaux et qu’il convient à tout créateur digne de ce nom de se saisir.
Et si le temps est fragmenté, il n’est jamais démembré. Le poète élabore à la parfaitement face au temps assassin. Il s’appuie au besoin sur le regard d’Audrey Hepburn, sur l’eau et des étoiles du Pont Mirabeau d’Apollinaire. La scrutation intense du vécu, ou de l’impossible vécu, passe ainsi à travers des souvenirs qui servent à nourrir le présent loin des postures et impostures nostalgiques.
D’où la musicalité qui donne cette gravité venue d’un tréfonds inconnu. Elle fait de Duault un poète qui permet de penser dans les plus grandes profondeurs et de ramener à la quête (impossible ?) de l’accession à soi-même. Le Verbe finit ainsi par se sédimenter par les adjonctions successives, le rythme haché ou prolongé par des systèmes d’enjambements. Et qu’importe si le soir, parmi les ombres appesanties, « les oiseaux se taisent ».
Pour le poète, « chaque métamorphose est une invitation contre l’informe ». Elle casse son silence. Preuve que Duault n’est ni un métaphysicien ou un musicien raté mais un écrivain accompli. Toute son œuvre tente de faire entrer l’existence dans une exigence démesurée.
Jean-Paul Gavard-Perret
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