Zone d'Education Prioritaire, Sonia Chiambretto
Zone d’Education Prioritaire, 67 p. 12 €
Ecrivain(s): Sonia Chiambretto Edition: Actes Sud/Papiers
Sonia Chiambretto a-t-elle été marquée durablement par la Légion étrangère stationnée à Aubagne et agrémentée d’un improbable musée ? Elle revient souvent dans ses textes sur la violence des guerriers, pantins sanguinaires au service des politiques. Dans Zone D’Education Prioritaire comme déjà dans Mon képi blanc, ils sont des personnages centraux. La guerre et le théâtre, c’est peut-être la même chose.
Le texte dont il est ici question pourtant, comme son titre l’indique, s’inscrit dans l’espace scolaire au départ. Nous sommes au lycée V Hugo de Marseille, établissement classé ZEP situé derrière la gare St Charles. Il est l’unité de lieu cerné par son système d’entrée et de sortie géré par une caméra de surveillance. Elle sert aussi de première de couverture à l’édition Actes Sud-Papiers : elle regarde vers nous, lecteurs menacés par son œil électronique. Deux jeunes filles Kate et Bone vont en quelque sorte nous faire la visite guidée du lycée suivant le plan inaugural (avec ses pictogrammes). L’architecture du lycée ressemble fort à celle d’une prison organisée avec ses cours, sa vie rythmée par des sonneries et sirènes (cour A et C). Elles décrivent tour à tour le quotidien de l’établissement avec ses élèves aux origines multiples. Elles se moquent de l’inepte sortie « pédagogique » à la fête des citrons à Menton, ou des « gothiques ».
La deuxième moitié du texte marque une rupture : un documentaire vu à la TV fait entrer le spectateur et le lecteur dans une nouvelle zone : la zone de guerre. Il s’agit de la guerre menée par les américains en Irak. De nouveaux personnages prennent la parole : le soldat Bob, le caporal Red (patronymes ridicules et caricaturaux). Ils sont du côté des bourreaux mais ils sont aussi des victimes dans la mesure où ils ne font qu’obéir aux ordres de leurs supérieur.
« Putain, on a tous signé pour faire ça »
Ils commettent des exactions auprès de la population civile mais ils restent des mômes américains qui mangent des Choco pops.
Dans cette pièce, Sonia Chiambretto « mine » la langue qui répète, qui élabore des listes, qui piétine.
Ensemble. Short
Tee-Shirt
Protège-Crème
Déodorant (p. 28)
Bone. TU TU TU TU TU TUTUY TUY TUTUTUTU (p. 26).
La langue charrie l’horreur des massacres comme le faisait Eschyle dans Agamemnon.
En Afrique, la violence des cadavres abandonnés éclate poétiquement.
KATE. Les corps morts
BONE. Frères et sœurs squelettiques
KATE. Le soleil sorti
Le dernier tableau de la pièce nous ramène à la cantine du lycée, à ses aliments peu appétissants et à la faim qui torture les ventres. Finalement l’armée (américaine) ou l’école (française) broient chacune à leur façon les individus. Nous aurons l’occasion de retrouver d’autres textes de Sonia Chiambretto, œuvre en marche. Le texte de Z.E.P. sera mis en lecture en décembre 2012 par Hubert Colas au théâtre Durance.
Marie Du Crest
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