Wulf, Hamish Clayton
Wulf, mai 2015, trad. anglais (Nouvelle-Zélande) Marc Sigala, 270 pages, 22 €
Ecrivain(s): Hamish Clayton Edition: Editions de la Différence
A la frontière du mythe
« Au cours de mes nombreuses errances, jamais je n’ai vu de pays si frais, si rude, si majestueusement vert. Jamais je n’ai mis les pieds dans aucun pays dont le froid soit si mordant à ses beaux jours. Juillet et août, joyaux de givre. Ainsi les ressentaient nos peaux nordiques.
Cette terre repose en des eaux lointaines et agitées. L’histoire reste dans l’attente de cette terre lointaine et agitée ».
Ainsi débutent les premières pages de ce roman consacré à la découverte de la Nouvelle-Zélande et de ses héros par les Européens commerçants.
Les premières pages s’ouvrent sur l’année 1830. Le narrateur ainsi que l’équipage du navire Elisabeth quittent Londres pour un long périple qui les mène vers les terres lointaines en pleine hémisphère sud :
« Au début de l’année 1830, vers la fin février, nous quittions Londres sur le navire marchand l’Elisabeth. Pleins de rêves du négoce et des terres mythiques au-devant de nous, nous courions les alizés et la route des baleines. Nous levions l’ancre pour les mers du Sud, pour les confins du monde, pour ces colonies en passe de devenir les nouveaux pays du Sud sans être encore des pays (…) ».
Le bateau suit les eaux fluides et calmes. Elles rapprochent inexorablement les hommes de cette terre lointaine et de légende où retentissent les combats, les soupirs de héros vaincus et des cris de victoire du grand chef guerrier maori, Te Rop’raha. Le narrateur est aux aguets vivant l’instant de son arrivée avec une curiosité mêlée d’effroi :
« Poussée tel un radeau de fumée dans l’air de cet étrange pays, chaque parole avait le goût du sang qu’exhalait le souffle de leur grand chef, le Napoléon du Sud, notre crainte à tous. Entre nous, nous l’appelions le grand Loup, car les hommes l’imaginaient fondant sur nous alors que nos dos seraient tournés, dissimulé sous une chape de ténèbres, furtif comme une bête et invisible à celui qu’il attaquerait, sa lance en main comme un os, l’esprit brûlant en lui. Nous savions qu’il arrivait. Nous pouvions sentir son souffle dans l’air glacé ».
Te Rop’raha sera au rendez-vous et le face à face tournera au drame puisque le chef parvient habilement à prendre le contrôle de l’Elisabeth. L’issue ne sera que néfaste pour le navire marchand et la fin du récit offre bien des surprises…
Pour son premier roman, Hamish Clayton a su voiler son pays d’une aura de mystère. Son verbe est incantatoire, poétique et envoûtant. Ainsi, le lecteur ne peut qu’apprécier l’esthétique de la description de l’île. Il perçoit l’attachement de l’auteur à sa terre et à ses traditions ancestrales. Plus encore, il redonne de la noblesse au peuple Maori et à l’histoire de la Nouvelle-Zélande façonnée par la main de ces guerriers sans atténuer la violence des combats entre les clans, le cannibalisme et l’ascension au pouvoir d’un des chefs les plus redoutables et redoutés de la région.
Hamish Clayton fait de son récit une chanson de geste et les Européens marchands-aventuriers deviennent des témoins privilégiés et des pions de l’Histoire de la Nouvelle-Zélande qui est en train de se faire.
Wulf est un roman qui s’inscrit dans une longue tradition de la chanson de geste comme le titre l’atteste puisqu’il évoque un poème anglais datant du dixième siècle. Magnifiquement écrit dans un style poétique et mélancolique. Hamish Layton offre une fresque et une ode à la terre de ses pères. Chaque mot est une musique évoquant avec nostalgie une histoire révolue et si présente encore. En un sens, Te Rop’raha est la voix qui crie et qui refuse d’être vaincue. C’est une figure de résistance et avec lui tout un peuple et toute une terre qui refusent la soumission…
Victoire Nguyen
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