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Vivre sans amis, Ou comment j’ai (temporairement) quitté Facebook, Arnaud Genon (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon 17.11.20 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits

Vivre sans amis, Ou comment j’ai (temporairement) quitté Facebook, Editions de la Rémanence, octobre 2020, 126 pages, 12 €

Ecrivain(s): Arnaud Genon

Vivre sans amis, Ou comment j’ai (temporairement) quitté Facebook, Arnaud Genon (par François Baillon)

 

Le titre du livre semble nous parler de la radicalité d’un ermite, d’un isolé profond, disposé à une quête spirituelle hors des siens. Mais le sous-titre fait aussitôt sourire : il ne s’agira que d’une déconnexion temporaire de Facebook.

Cette opposition immédiatement exprimée entre une apparente conviction d’ermite et une disparition éphémère sur un réseau social (on ne disparaît pas vraiment quand on disparaît de Facebook, et même, on ne disparaît pas du tout) semble être le fil conducteur de cette suite de réflexions, rédigées au cours d’un mois de sevrage de réseaux sociaux. Et ce qui apparaît inévitable avec une telle décision, c’est la reconnexion qui s’opère avec la vie réelle : le narrateur le sait et l’a toujours su, puisque le livre s’ouvre quasiment avec L’Allégorie de la caverne, de Platon, soulignant que les anciens prisonniers retrouvent ou découvrent une forme de vérité une fois qu’ils sont libérés de leur mur (Facebook).

C’est dans le jalonnement de certains de ses souvenirs que le narrateur nous emmène alors, faisant même un éloge (tout à fait juste) de l’ennui, mais également dans des observations sur les limites qu’on s’impose quand les relations amicales s’en tiennent au virtuel : à ce titre, une anecdote au sujet d’élèves de troisième, lorsque le narrateur enseignait au Maroc, est digne d’être le noyau d’un film sur la persécution et la paranoïa.

D’ailleurs, tel qu’on peut le penser des réseaux sociaux, où se trouve la vérité dans ce qu’on lit ici ? Où se trouve la part de fiction ? Certes, nous nous laissons volontiers guider comme dans un journal intime, mais même quand une personne cherche à être un « livre ouvert », nous restons dans un livre, donc dans une réinterprétation de la réalité – ce qui nous renvoie à Facebook, qui n’est qu’une réinterprétation (très superficielle) de la réalité. Tout n’est-il que faux-semblants et mensonges ? Est-ce vers ce type de question que voudrait nous amener ce livre ?

Emerge néanmoins un beau paradoxe : Arnaud Genon/le narrateur confie vouloir vivre (temporairement) sans amis, mais ne réussit-il pas à faire de nous (et nous, à faire de lui) un vrai compagnon de réflexion ? Tout en se montrant majoritairement critique envers le réseau social, il exprime aussi son amusement, son ironie, conscient du vide que cela représente et du peu de « remplissage intéressant » qu’on y rencontre. Comme nous, il reconnaît pourtant ne pouvoir échapper à cette spirale immatérielle, joliment visualisée à travers une définition de la couleur bleue issue du Dictionnaire des symboles – spirale au sein de laquelle on tente de trouver du sens, un intérêt fondamental. Vaine tentative, bien entendu.

Mais ne faut-il pas assumer un autre paradoxe ? En quittant Facebook, le narrateur s’appuie sur Facebook qui fournit de la matière à son écriture. L’invention de Zuckerberg lui permet aussi, une fois qu’il s’en éloigne, de voir davantage l’essentiel et de porter une attention plus aiguisée à cet essentiel. D’une certaine façon, l’œuvre d’Arnaud Genon adresse un remerciement indirect à Facebook sur le fait d’exister. Car sa présence, qui peut provoquer notre saturation, augmente parallèlement la conscience d’un autre besoin : celui de se raccrocher à la vie réelle, celui d’y trouver tant bien que mal un sens supérieur, face à la menace du vide qui nous entoure constamment.

 

François Baillon

 

Arnaud Genon, né en 1975, travaille depuis plusieurs années sur l’œuvre d’Hervé Guibert et plus généralement sur la littérature de soi, l’autofiction et la littérature contemporaine. Auteur de plusieurs ouvrages et articles universitaires, il a entre autres publié : Tu vivras toujours (2016), Mes écrivains. Une histoire très intime de la littérature, ou pourquoi j’ai commencé à écrire (2018), Les indices de l’oubli (2019).

 

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A propos de l'écrivain

Arnaud Genon

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Arnaud Genon est docteur en littérature française, professeur certifié en Lettres Modernes. Il enseigne actuellement les lettres et la philosophie en Allemagne, à l’Ecole Européenne de Karlsruhe. Visiting Scholar de ReFrance (Nottingham Trent University), il est l´auteur de Hervé Guibert, vers une esthétique postmoderne (L’Harmattan, 2007) et de L’Aventure singulière d’Hervé Guibert (Mon petit éditeur, 2012). Ses travaux portent sur l’écriture de soi dans la littérature contemporaine.

Il a cofondé les sites herveguibert.net et autofiction.org

Arnaud Genon est rédacteur à la Cause Littéraire.


A propos du rédacteur

François Baillon

 

Diplômé en Lettres Modernes à la Sorbonne et ancien élève du Cours Florent, François Baillon a contribué à la revue de littérature Les Cahiers de la rue Ventura, entre 2010 et 2018, où certains de ses poèmes et proses poétiques ont paru. On retrouve également ses textes dans des revues comme Le Capital des Mots, ou Délits d’encre. En 2017, il publie le recueil poétique 17ème Arr. aux Editions Le Coudrier.