Ville ou jouir, et autres textes navrants, Christophe Esnault (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Ville ou jouir, et autres textes navrants, mars 2020, 164 pages, 14 €
Ecrivain(s): Christophe Esnault Edition: Editions Louise Bottu
La ville et ses fantômes
Christophe Esnault s’élève entre autres et à sa manière contre les impostures de la poésie et de son édition dans un livre où sans s’engendrer les uns les autres, les textes se complètent.
Certains diront que les hallucinations sont innombrables là où l’auteur n’a rien d’un petit soldat. Ils peuvent même penser que son Cogito est percé de trous. Mais c’est qu’une illusion de ceux qui ne connaissent pas la nuit et préfèrent la poésie qui ne fait pas de plis.
Esnault dessine ici un cheminement, une dérive. Il ne croit pas à la solidarité ni que l’amour domine le monde. D’où son « besoin vital de se retrouver seul(e) ». D’autant qu’il a une certitude : il ne vaut pas mieux que les autres. Ce qui ajoute de la valeur à ce qu’il écrit.
Ses textes sont là pour dire ce qui est. Et qui nous sommes avec nos névroses comme diverses gaietés de l’escadron humain. D’où une écriture acerbe où par la bande se dit le possible et l’impossible de ceux qui fomentent la poésie. Mais pas seulement.
Sachant que très tôt la lumière se retire, Esnault parie ou a parié sur la caverne de la nuit se vantant de sa force comme de sa faiblesse. Une angoisse pèse sur lui mais l’ironie la biaise, et sans vraiment le mettre en exergue se lit dans ce texte un savoir d’amour.
Le tout dans les ruines de la ville la nuit, ses épiphanies, ses commotions soudaines. C’est pour Esnault à la fois une manière de prendre la fuite et de résister là où la réalité – et quelle que soit l’heure – est dure à étreindre.
Au moment où du dehors, le nocturne semble avoir gagné sa propre existence, le poète crée des changements de registre d’un texte à l’autre et jusqu’au « bonus track » final. D’où le souffle agissant d’un livre dont la ferveur dans la colère contre soi et le monde est incandescente. Elle ne cesse de remuer les nuits blanches comme les braises et les « baises » de l’existence.
Jean-Paul Gavard-Perret
Christophe Esnault, né en 1972, vit à Chartres. Lecteur boulimique de tous les auteurs écorchés de génie depuis Isidore Ducasse, il se dit resté traumatisé par les innombrables lectures du sublime 4.48 Psychose, de Sarah Kane.
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