Vers le silence, Max Pons
Vers le silence, Editions de la Barbacane, 2011, 88 pages, 15 €
Ecrivain(s): Max PonsMax Pons est un amoureux, un grand amoureux de l’humain et des pierres, amoureux au sens le plus courtois du terme, comme les troubadours de langue d’Oc. Dans ce recueil, admirablement préfacé par Michel Host, il nous offre un cheminement de haut vol poétique « Vers le silence ».
Fidèle à sa passion minérale, le recueil s’ouvre sur la pierre, mais une « Pierre de caresse/ Pierre maternelle ». Max Pons, qui fut pendant si longtemps gardien et guide du Château de Bonaguil, un château-fort, allégorie de la forteresse quasi imprenable du féminin, connaît mieux que personne les liens secrets qui se tissent entre la pierre et les forces de la nature et ce que je retiens de l’ensemble de ce nouveau recueil, ce rassemblement de fragments, de morceaux de ce territoire qui est le sien, c’est que tout, de la pierre à la chair, de la terre au ciel, transpire et conspire un puissant chant d’amour.
« Arc en pleine caresse
Ton plaisir pointe vers le ciel
Ton désir vient de la terre
Et l’homme hésite
À franchir le seuil ».
Le poète déploie ses antennes en toutes directions, attentif et précis, c’est un amant d’expérience, porteur d’histoire, la sienne, mais aussi de celle des Hommes :
« Voici des portes qui s’ouvrent sur d’autres portes.
Voici des fenêtres qui croisent leurs bras puissants sur la nudité blessante de la lumière.
Et puis voici d’autres yeux encore. D’autres croisées de lumière ».
Et de tous leurs questionnements :
« En ces lieux de foudre, à l’odeur d’Histoire, retournant à la domination de l’élément aquatique, quelle est donc cette force sauvage qui habite la somptueuse gésine minérale dans la quiétude des mousses ».
En homme avisé, le poète sait que malgré tout le chemin parcouru, il n’y a pas de réponse, mais que l’essentiel reste encore et toujours à vivre :
« Inventer la survie
Débusquer le mouvant
Jusqu’à l’immobilité lucide
Au seuil du sanctuaire ».
Et que la vie est désir, sans cesse renouvelé, comme le fleuve va à la mer :
« Je te parlerai des libellules des premiers émois
et des éclairs de chaleur sur la robe mouillée des soirs.
Et de cette cascade qui bat de sa chevelure
le dur silence ».
Et le poète chante et honore la Source :
« Devant ce val délicatement veiné
À la naissance d’un fleuve d’ombre et de feu
Estuaire au limon de vie
Devant ces meules lourdes de louanges
Cette fête de courbes
Ce langoureux ballet
Paysage pour la grande faim du dehors et du dedans ».
Un chant qui se fait « profond » et « vérité primitive ». « Faire l’amour », voilà la « Pureté retrouvée » et revient l’homme qui savait parler aux pierres :
« Du fond de ma caverne charnelle
Je te bâtis ».
Que le poète se donne tout entier à son chant ne l’empêche nullement d’être lucide et ô combien !
« Inéluctable marche
D’ultime vérité ».
Et son regard saisit le moindre détail qui témoigne de l’infime et infinie beauté :
« La marmite ronronne
Près du chat ».
Comme seuls savent le faire ceux qui ont envisagé la mort en face, car nul n’est plus habile qu’elle à nous faire ressentir le bonheur de l’instant :
« Au fil,
Le linge blanc
– Lessive de l’œil –
Le linge qui raconte des êtres ».
Mais si le temps, à Max Pons comme à nous tous, est compté, le poète magicien a plus d’un tour dans sa plume :
« – Il faut bien passer le temps,
Dit l’un.
– Non, lui répond l’autre :
Il faut l’agrandir ».
La lucidité sans l’humour serait torture. Max Pons sait qu’il est bon de garder l’œil amusé et le sens de la facétie :
« Il y a sur la table
Une salière à lunettes
Ne manquant pas de sel.
Il y a l’éclatement même
De la vérité. Personne ne
S’y retrouve.
(…)
Et c’est ainsi qu’il voit le monde
Tel qu’il est, au grand étonnement
De la réalité
Et des paroles rassurantes… »
Et le poète, une main sur la chair, l’autre sur la pierre, tel un vieux sage sur la terrasse nous suggère de :
Tourner longuement
La petite cuiller.
Deux sucres, voulez-vous ?
La poésie est infusion… »
Et nullement pressé de nous voir partir, il nous donne à boire encore et encore de sa belle et bonne poésie, dans un recueil qui s’étire comme un chat :
« Et vient le petit jour, longue robe flottante.
Demeure un goût d’amour, tel un oiseau perdu
De ses ailes frappant la cage de nos gorges »
En s’inspirant aussi de gravures de Maya Mémin et quelques dessins que son ami Zadkine lui avait confiés, avant de poser un point que l’on espère non final, en faisant sienne cette phrase de Cocteau :
« On ne se consacre pas à la poésie, on s’y sacrifie ».
Cathy Garcia
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