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Une pierre, en chemin, Bernard Fournier (2 et fin)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) 12.07.17 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Une pierre, en chemin, éd. Tensing

Ecrivain(s): Bernard Fournier

Une pierre, en chemin, Bernard Fournier (2 et fin)

 

Pour le poète Bernard Fournier en chemin, une pierre s’élève tel « un amer pour l’homme en dérive ». Symbole de la permanence, point de convergence entre le ciel et la terre, « signe de la présence, maintenant ici, de la / conjonction des astres et des hommes ; / pour dire aux hommes l’inscription des âmes dans l’espace », la pierre jalonne les Marches du poète, non pas bâton de pèlerin pour la circonstance mais davantage mesure dans l’univers, signe ancestral, socle séculaire, repère cadastral où nos errances s’appuient pour avancer, gravir, s’y retrouver.

 

« La pierre est venue là, attisée par le feu des étés

où s’échouent les oiseaux ;

Et autour de cet axe gravitent mes pensées ;

Quelles seront mes errances ?

Oui, une mesure a comblé, ici, la présence d’un

homme au creux de son travail ;

Oui les cadastres ont dessiné pour nous, une

ligne réfléchie qu’il nous somme d’instruire ;

Oui, sur ces montagnes proches de l’homme,

l’homme a prescrit une marque ;

Sinon l’espace serait trop grand, sinon les

hommes se perdraient ; »

 

Ce quatrième opus de la suite Marches de Bernard Fournier (suite figurée par les points virgules clôturant les textes de certaines parties comme un mouvement de partition ; figurée par les nombreux enjambements dans la forme du poème) pose une nouvelle pierre à l’édifice construit par le poète, situant l’Homme dans son Histoire, dans le déroulement de sa Mémoire à travers les âges et les strates des vestiges patrimoniaux, parmi les galaxies entre terre et ciel, au sein de l’univers, puisqu’ainsi la pierre ici signifie et symbolise l’axe qui détermine l’avancée de l’Humanité. La pierre fait trace. Le cri des roches nous parle. Le poète marche tentant de lire, à travers les signes cachés ou disparus – stigmates laissés sur la peau, dans la chair, sous la terre de l’univers pour qui sait les VOIR et sur les chemins de l’Histoire roulant encore leurs reliques sous les pas de notre présent – la parole des pierres.

 

« (…) ici, se sont arrêtées des armées :

Des guerriers ont vu les feuilles des arbres

changer et les paysans savaient bien qu’ils

n’iraient pas plus loin ;

Là, des princes ont retenu leurs chevaux au

sommet de l’éminence

Ils ont contemplé les deux rives de la rivière,

les deux vallées parallèles

Ils ont instauré leur royaume, leur domaine,

fixé là leurs rêves et leurs amers ;

Mais ils n’ont pas bâti de tours, de châteaux, ni

de donjons sur le promontoire

Ils ont laissé les arbres à leurs faîtes, ils ont

laissé les monts à leurs silhouettes ».

 

« Aucune faille (…) ne nous fait signe » précise encore le poète dont le rôle de médiateur va consister dans l’exercice d’un regard poétique apte à nous révéler les lignes de parchemins effacés ou disparus : « Il faut exercer son regard à distinguer dans leschamps des ajours ;Les traces des arbres en disent plus long queles racines vertes ». Le poète fait la lumière à travers les âges et les strates par les sentinelles vigilantes de sa parole. Chacun, en explorateur libre de l’univers auquel il appartient essentiellement, peut exercer son regard et se mettre à l’écoute, poster son regard sur les lignes déterminantes et déterminées dont les signes sont à portée de lecture ; s’il ne le fait, le poète l’éclairera, (ré-)veilleur permanent.

Guillevic, chez qui l’on retrouve comme chez Bernard Fournier, un monde d’oiseaux, d’hommes et de pierres, écrivait : « La poésie est le seul moyen d’aborder par les mots, quand on sait le faire, le son intérieur de tout réel ». Dans Une pierre, en chemin, Bernard Fournier nous permet par ses mots d’aborder les parchemins du réel. Par la densité de la pierre qu’il lève pour nous.

Demandons à la pierre son mystère, comme nous y invite le poète, levons les voiles sur les traces de notre humanité, du moins tentons de les entrouvrir. Poésie géodésique exploratrice d’une humanité que celle de Bernard Fournier dans cet opus Une pierre, en chemin, en quête du nom de ses attaches et de ses failles, pour toujours pouvoir se retrouver, nous permettre de nous retrouver nous-mêmes, pierre femme, pierre homme, pierre avant toutne redoutant rien du temps

 

Murielle Compère-Demarcy

 

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A propos de l'écrivain

Bernard Fournier

 

Bernard Fournier a publié plusieurs recueils de poésie, d’essais, de nombreux poèmes, articles et notes de lecture dans des revues françaises et internationales : Les Saisons du poème, Les Cahiers de La Baule, Jardin d’Essai, LittéRéalités (Toronto), Europe, Poésie/ Première, Poésie-sur-Seine, Cahiers Marc Alyn, Cahiers Jacques Audiberti, Dalhousie French Studies, L’Oreillette, Studi Francesi, Autre sud, Les Cahiers de l’Archipel, Lieux d’Etre, Aujourd’hui poème, Diérèse, Notes Guillevic Notes (Toronto). Il exerce plusieurs activités dans diverses académies et associations de poésie dont la Société des Lecteurs de Jean Paulhan, le comité de rédaction de la revue Poésie sur Seine, Saint-Cloud, lecomité de rédaction de la revue Poésie/Première, le comité du Cercle de poésie et d’esthétique Aliénor, brasserie Lipp à Paris. Il est également membre de l’Académie Mallarmé et président de l’Association des Amis de Jacques Audiberti. Il a co-dirigé le colloque à Cerisy-la-Salle sur Guillevic en 2009.

 

A propos du rédacteur

MCDEM (Murielle Compère-Demarcy)


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Murielle Compère-Demarcy (pseudo MCDem.) après des études à Paris-IV Sorbonne en Philosophie et Lettres et au lycée Fénelon (Paris, 5e) en École préparatoire Littéraire, vit aujourd'hui à proximité de Chantilly et de Senlis dans l’Oise où elle se consacre à l'écriture.

Elle dirige la collection "Présences d'écriture" des éditions Douro.

 

Bibliographie

Poésie

  • Atout-cœur, éditions Flammes vives, 2009
  • Eau-vive des falaises éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Je marche..., poème marché/compté à lire à voix haute, dédié à Jacques Darras, éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Coupure d'électricité, éditions du Port d'Attache, 2015
  • La Falaise effritée du Dire, éditions du Petit Véhicule, Cahier d'art et de littérature Chiendents, no 78, 2015
  • Trash fragilité, éditions Le Citron gare, 2015
  • Un cri dans le ciel, éditions La Porte, 2015
  • Je tu mon AlterÈgoïste, préface d'Alain Marc, 2016
  • Signaux d'existence suivi de La Petite Fille et la Pluie, éditions du Petit Véhicule, 2016
  • Le Poème en marche, suivi de Le Poème en résistance, éditions du Port d'Attache, 2016
  • Dans la course, hors circuit, éd. du Tarmac, 2017
  • Poème-Passeport pour l'Exil, co-écrit avec le photographe-poète Khaled Youssef, éd. Corps Puce, coll. « Parole en liberté », 2017
  • Réédition Dans la course, hors circuit, éd. Tarmac, 2018
  • ... dans la danse de Hurle-Lyre & de Hurlevent..., éd. Encres Vives, collection "Encres blanches" , n°718, 2018
  • L'Oiseau invisible du Temps, éd. Henry, coll. « La Main aux poètes », 2018
  • Alchimiste du soleil pulvérisé, Z4 Éditions, 2019
  • Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, éditions du Petit Véhicule, coll. « L'Or du Temps », 2019
  • Dans les landes de Hurle-Lyre, Z4 Éditions, 2019
  • L'écorce rouge suivi de Prière pour Notre-Dame de Paris & Hurlement, préface de Jacques Darras, Z4 Editions, coll. « Les 4 saisons », 2020
  • Voyage Grand-Tournesol, avec Khaled Youssef et la participation de Basia Miller, Z4 Éditions, Préface de Chiara de Luca, 2020
  • Werner Lambersy, Editions les Vanneaux ; 2020
  • Confinés dans le noir, Éditions du Port d'Attache, illustr. de couverture Jacques Cauda; 2021
  • Le soleil n'est pas terminé, Editions Douro, 2021 avec photographies de Laurent Boisselier. Préface de Jean-Louis Rambour. Notes sur la poésie de MCDem. de Jean-Yves Guigot. Illustr. de couverture Laurent Boisselier.
  • l'ange du mascaret, Editions Henry, Coll. Les Ecrits du Nord ; 2022. Prélude et Avant-Propos Laurent Boisselier.
  • La deuxième bouche, avec le psychanalyste-écrivain Philippe Bouret, Sinope Editions ; 2022. Préface de Sylvestre Clancier (Président de l'Académie Mallarmé).
  • L'appel de la louve, Editions du Cygne, Collection Le chant du cygne ; 2023.
  • Louve, y es-tu ? , Editions Douro, Coll. Poésies au Présent ; 2023.