Une belle saloperie, Robert Littell
Une belle saloperie, traduit de l’américain par Cécile Arnaud, Editions Baker Street, 18 avril, 316 pages, 21 €
Ecrivain(s): Robert Littell Edition: Baker Street
Un hommage aux classiques. Avec Une belle saloperie, Robert Littell s’offre un petit plaisir à l’ancienne, un polar dans la tradition de Raymond Chandler. Ça pourrait être un polar des années 50. Sauf que ça se passe aujourd’hui.
Le héros du livre est d’abord un nom : Lemuel Gunn. Avec deux « n ». Déjà tout un programme !
Il a tout d’un héros de hard-boiled. Vétéran de la CIA, il s’est reconverti comme détective privé après avoir été viré dans des circonstances troubles de l’agence gouvernementale. C’est un dur à cuir solitaire, qui est né cinquante années trop tard.
Le monde actuel ? Il n’est pas fait pour lui et il n’a aucune envie de s’y soumettre. L’ordinateur ? Une ineptie et bien trop compliqué à l’usage. Sa voiture est un vieux modèle des années 50… auquel il ne vaut mieux pas toucher sinon l’homme se fâche !
Ses principes, aussi, appartiennent à une époque révolue.
La situation de départ est classique. Le héros vit isolé dans une caravane, perdu dans le camping d’un bled. La caravane a appartenu à Douglais Faitbanks Jr sur le tournage de La Prisonnière de Zenda. Un jour, « une comtesse aux pieds nus » frappe à sa porte, Ornella Neppi. Elle souhaite l’engager. Pourquoi ? Parce que Gunn est réputé pour être efficace et ne pas lâcher une affaire tant qu’elle n’est pas résolue. Mais surtout parce qu’il ne touchera l’argent que s’il réussit effectivement sa mission. Il a en plus le bon goût de demander les honoraires les plus bas du marché. Un détective low-cost, donc.
Et Gunn est d’autant moins enclin à négocier à la hausse ses émoluments qu’il n’est pas insensible aux charmes de la dame. Une femme fatale ? Evidemment, comme dans tout hard-boiled qui se respecte ! Mais succomber à sa cliente n’était-il pas dangereux pour tout bon détective qui se respecte ? Il le sait, mais la tentation, parfois…
Ornella est une prêteuse sur gage. Elle a avancé une caution de 125.000 dollars à un certain Emilio Gava. Celui-ci a disparu et elle a bien peur de ne pas remettre la main sur son argent.
L’affaire va se révéler plus épineuse quand Gunn met à jour les liens qui unissent Gava au FBI ainsi qu’à deux familles mafieuses du Nevada qui se livrent une guerre sans merci.
Une belle saloperie est mené avec habileté. Oui, on a déjà l’impression d’avoir lu, d’avoir vu, ce genre d’histoires. D’autant qu’on n’échappe pas à certains passages obligés. Certaines situations sont un peu prévisibles, un peu attendues. Les recettes ont déjà été largement éprouvées. Recette éprouvée ? Cela peut aussi être synonyme de manque d’originalité. C’est un peu la difficulté de l’exercice. Quand on joue avec les clichés, on peut aussi facilement tomber dedans.
Mais le plaisir est ailleurs. Sans doute dans l’hommage à une époque révolue, où le talent d’un détective ne se trouve pas dans son habileté à jouer (par exemple) les experts scientifiques, mais dans de bonnes vieilles méthodes à l’ancienne, mais aussi dans sa tchatche, sa gouaille, son courage, son ingéniosité. Oui, le sens de la répartie et de la vanne peut toujours être un moteur de l’enquête !
Et avec une bonne dose d’humour, beaucoup de choses passent plus facilement et on en veut moins à certaines péripéties, à quelques clichés ou situations trop déjà-vu. Dans ce cas-là, on ne dit d’ailleurs pas que l’auteur multiplie les clichés, mais qu’il joue avec…
Yann Suty
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