Un sujet français, Ali Magoudi
Un sujet français, 410 pages, 2011, 22 €
Ecrivain(s): Ali Magoudi Edition: Albin Michel« Ma vie est un véritable roman. Quand tu seras grand, je te la raconterai et tu l’écriras », disait souvent Abdelkader Magoudi à son fils, Ali, l’auteur du livre, psychanalyste de formation. Mais le père n’a jamais raconté et il a emporté dans sa tombe les secrets de cette vie romanesque. Une vie marquée par la colonisation française, par son statut d’immigré nord-africain débarquant en France, par l’occupation allemande, par Vichy, par le nazisme, par le communisme en Pologne ou la décolonisation…
Ali Magoudi décide de se lancer dans l’enquête, car il a un fils en âge de poser des questions et qu’il veut pouvoir lui donner des réponses.
Il part de quelques documents. Il va devoir fouiller dans les archives de l’administration française. Il voyagera aussi en France, en Pologne ou en Algérie, sur les traces de son père. Le travail est long et fastidieux, il avance par sauts de puce, à peine des grains de poussière. Quand il avance…
« Je mesure la démesure des territoires mnésiques à conquérir ».
Le sujet est romanesque à souhait. Un fils va tenter d’écrire la vie de son père. Ce qui, pour le psychanalyste qu’est Ali Magoudi, est certainement une question riche à souhait, mais une question qu’il n’explore peut-être pas suffisamment. Pourquoi ce fils a-t-il tant besoin de connaître son père ? Son parcours ? Ses non-dits ? Pourquoi veut-il éclairer toutes ses zones d’ombre ? Dénicher tous ses éventuels secrets ?
« Dans l’exploration du passé que j’entreprends, mon esprit est tiraillé par des désirs antinomiques. Espérer les trouvailles et les provoquer. Les craindre et se débrouiller pour ne rien trouver ».
La recherche est longue et fastidieuse et Ali Magoudi n’épargne pas son lecteur et a trop tendance à le perdre dans les registres administratifs, dans de la paperasserie, à lui faire raconter chaque formulaire qui lui passe sous le nez, l’un après l’autre.
Certains détails auraient gagné à être laissés de côté pour aller plus directement à l’essentiel, alors que d’autres questions sont malheureusement inexploitées. L’auteur se concentre sur son enquête, une enquête qui concerne sa vie, celle de sa famille, mais on aurait aimé savoir comment cette recherche bouleverse justement son quotidien et sa famille. Ce monsieur travaille, mais comment fait-il pour disposer de tout ce temps pour aller fouiller dans de vieux cartons ? Quelles répercussions sur sa famille ? Sur lui ?
Le sujet est romanesque, donc, mais Ali Magoudi ne le traite pas en romancier et pas plus qu’en psychanalyste, mais plutôt en archiviste, en rat de bibliothèque. Oui, mener une recherche à partir de rien est une longue quête ennuyeuse où il faut s’accrocher. Tout cela manque d’un souffle lyrique. On a envie de dire à Ali Magoudi que, maintenant qu’il a rassemblé toute la matière nécessaire, ce roman sur son père, il peut l’écrire.
Yann Suty
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