Un siècle d’écrivains à Cordes-sur-Ciel et environs, Bruno Geneste & Paul Sanda (par Luc-André Sagne)
Un siècle d’écrivains à Cordes-sur-Ciel et environs, Bruno Geneste & Paul Sanda, Rafael de Surtis éditions, juin 2022, 224 pages, 25 €
C’est à l’occasion du huitième centenaire de la fondation de Cordes-sur-Ciel, située aujourd’hui dans le département du Tarn, en 2022, que Bruno Geneste et Paul Sanda, eux-mêmes écrivains, essayistes et éditeurs en activité dans la Cité, publient un livre-somme, un livre-hommage intitulé Un siècle d’écrivains à Cordes-sur-Ciel et environs.
Ils sont partis pour ce faire du catalogue d’exposition établi en 2004 par Jean-Gabriel Jonin, l’une des grandes figures de Cordes, première recherche sur ceux qui « ont écrit Cordes », et ils l’ont notablement étoffé. C’est ainsi qu’ils ont rassemblé dans leur propre travail d’enquête plus d’une trentaine d’écrivains et de poètes venus en visiteurs ou plus rarement résidant à Cordes et ses environs. Conscients que tous les arts s’interpénètrent, d’autant plus que le surréalisme a joué ici un grand rôle (grâce en particulier à Francis Meunier lié à Hans Bellmer et Max Ernst) et qu’il s’y trouve une « Maison des Surréalistes » inaugurée en 2002, les auteurs ont néanmoins concentré leurs efforts sur les hommes et les femmes de lettres qui ont « rencontré » Cordes.
Car il s’agit bien d’une vraie rencontre, la rencontre d’une présence. A plusieurs reprises au cours de leur ouvrage, ils rappellent la qualité particulière du lieu, son élévation si caractéristique et qui n’est pas seulement géologique, et insistent sur la nature de l’expérience qui consiste à le découvrir pour la première fois. Il en ressort comme une « abrupte force énergétique, la puissance énergétique de ce lieu extraordinaire, lieu porteur en son for intérieur d’une poésie singulière et puissante ».
Un véritable aimant pour ces écrivains et ces poètes de tous horizons. Le livre s’attache à nous les présenter les uns après les autres, chapitre après chapitre, apportant à chaque fois les repères biographiques nécessaires et l’état d’avancement de leur œuvre au moment de la rencontre. La façon dont ils ont découvert Cordes s’avère en effet primordiale. Inopinée ou délibérée, laissée au hasard du voyage ou soigneusement préparée. Le lecteur est ainsi confronté à une véritable galerie de portraits mêlant noms prestigieux et auteur(e)s moins connu(e)s ou plus enraciné(e)s dans la région mais non moins important(e)s pour le rayonnement de Cordes. Toutes et tous ayant en commun, sauf exception, une sorte de fascination spontanée et prolongée pour les rues escarpées et les vieux murs de la Cité. Pour l’atmosphère indéfinissable qui s’en dégage. Pour son aura.
De Prosper Mérimée à Hervé Rougier on passe alors par tout un arc-en-ciel de sensibilités et de goûts à travers des personnalités aussi diverses que Maurice de Guérin et sa sœur Eugénie, Jean Giono, Albert Camus, Violette Leduc, Yves Bonnefoy, Jean Malrieu, Gaston Puel, ou, plus surprenant, T.E. Lawrence, pour ne rien dire, dans un autre registre, d’un Hector Malot ou d’un Philippe Hériat. Sans oublier Sarane Alexandrian, Simonne Jacquemard ou Jacques Kober. Tout un ensemble de voix et de trajectoires qui fait du lieu à la fois un point de convergence et un tremplin pour l’ailleurs. Convergence de ces destinées d’artistes ou d’intellectuel(le)s vers ce centre unique, ne serait-ce que pour quelques heures, et tremplin à la frontière du connu et de l’inconnu, du visible et de l’invisible, du savoir et de l’ignorance. Un battement entre terre et ciel que Jeanne Ramel-Cals, auteure cordaise de légende, a bien senti en proposant dès 1947 d’accoler ciel à Cordes, ce qui deviendra l’appellation officielle de la commune en 1993.
Loin de se contenter d’une simple énumération, Bruno Geneste et Paul Sanda font une place à chaque individualité et les relient en même temps à une communauté d’esprit, par-delà toutes leurs différences, qui aurait Cordes pour facteur commun. Ils déposent ainsi autour de la Cité, tels les grains d’un chapelet, toute l’attention, l’affection et le regard parfois sans concession de ses hôtes.
Lien à la fois ténu et puissant, lien secret qui est toujours d’actualité. Les auteurs n’oublient pas en effet la jeune génération également sensible au lieu. Ils nous en présentent quelques noms, sachant par ailleurs que Paul Sanda lui a amplement donné l’occasion de s’exprimer en fondant en 2008 le Festival International de Poésie Actuelle (FIPA). Permanence d’une attraction indiscutable qui ne se limite pas au paysage remarquable mais pressent quelque chose de plus enfoui et de plus lointain à la fois.
Livre-somme, disions-nous, par l’étendue du travail de recherche, et livre-hommage à toutes celles et à tous ceux qui se sont exprimés sur Cordes et qui continuent de le faire, contribuant à sa capacité de rayonnement et de suggestion. Comment alors ne pas entendre l’appel que ne manquent pas de lancer les auteurs aux nouveaux venus tentés par l’expérience unique de découvrir Cordes-sur-Ciel et d’y poursuivre « l’œuvre à ciel ouvert » ?
Luc-André Sagne
Bruno Geneste, né en 1960, est poète et écrivain, lauréat du Prix Marc Sabathier-Levêque. Il a co-fondé en Bretagne le Festival de la Parole Poétique et la Maison de la Poésie du Pays de Quimperlé.
Lui-même poète, essayiste, écrivain, Paul Sanda, né en 1961, a fondé les éditions Rafael de Surtis et le Festival International de Poésie Actuelle (FIPA). On trouvera leurs derniers titres dans l’annexe bibliographique de l’ouvrage. Ensemble, ils insufflent à Cordes-sur-Ciel leur énergie et leur savoir.
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