Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour, Cécile Guivarch
Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour, L’Arbre à paroles, 91 pages, 7,50 €
Ecrivain(s): Cécile Guivarch
Est-il possible de faire en sorte que l’écriture soit lien, se révèle telle, jusqu’au plus profond de son eau moirée ?
Certes, le lecteur et l’auteur sont en étreinte, le temps de la lecture, l’imaginaire venant s’improviser lit sur la scène du présent.
Mais est-il possible de faire en sorte que l’écriture soit un fil tissé entre les générations, qui retire celles disparues de leur immobilité sans souffle et les fait être en danse avec celles prenant à bras le corps le présent ; et les fait être en danse au mépris de la mort, de cette certitude qu’elle jette au monde et qui a goût d’une poussière que nos souvenirs – parfois – rendent bleue ?
Est-il possible de relever le corps mort de ses ancêtres en écrivant sur eux, en parlant d’eux, en soufflant avec sa bouche leurs mots disparus, en se laissant traverser par l’ombre rehaussée d’or de leur disparition ?
Est-il possible de parler à ceux qui ne sont plus, à ceux que le silence a pris par la main pour les emporter dans l’absence ?
Est-il possible de faire parler cette absence aux autres muette, mais de la faire parler de telle façon que ce soient ces disparus qui l’entendent, jusqu’au plus lointain de leur retrait ?
Ce pari, Cécile Guivarch le tient, avec Un petit peu d’herbes et des bruits d’amour, faisant plus que rendre hommage à « la grande famille de [s]a mère », à « l’Espagne, là-bas » ; faisant plus que nous présenter ses ancêtres, par leurs prénoms (avec ses poèmes et le silence contenu dans ses poèmes), les faisant entrer, pas après pas, dans la chambre empoussiérée de nos vies ; leur adressant des mots d’amour qui les réveillent. Les réveillent doucement de leur torpeur, de leur absence, de leur mort.
« ne rien dire
seulement des mots d’amour
des poèmes où l’on sait le silence
entre chaque vers »
Matthieu Gosztola
- Vu : 3319