Un nouveau monde, Poésies en France 1960-2010, un passage anthologique, Yves di Manno & Isabelle Garron
Un nouveau monde, Poésies en France 1960-2010, un passage anthologique, février 2017, 1504 pages, 39 €
Ecrivain(s): Yves di Manno & Isabelle Garron Edition: Flammarion
Indispensable anthologie, qui vient combler « une étrange lacune et propose pour la première fois un large panorama des écritures de poésie en France depuis 1960, tenant compte de leur remarquable diversité ».
« D’abord conçu comme une anthologie regroupant plus d’une centaine d’auteurs, [ce livre] offre aussi un récit chronologique accompagné de notices détaillées » et d’une « bibliographie générale » fort bien faite.
« Ce volume est […] un acte. Il est l’impossible, l’horrible travail que nous savons. Il pointe un manque de retour général sur ce qui a lieu depuis cinquante ans, sur ce qui se poursuit et se déroule dans le champ de cet art qu’est l’écriture de poésie ».
Un manque de « retour général » ? « Si ce volume tente […] quelque chose, c’est l’approche d’un territoire encore mal défriché dans la somme de ses possibles. Il répond au désir de conduire le lecteur vers ce que la poésie désigne, investissant un lieu de parole où le sens est repoussé aux limites de sa connaissance ».
Et Yves di Manno et Isabelle Garron d’éviter les deux écueils suivants : « [o]n notera […] combien, dans les manuels et les lieux de formation, [la poésie] demeure confinée au seul registre du littéraire. Ou encore, comment la volonté de combler autrement un déficit d’ouverture entraîne un excès inverse, l’associant à de nombreuses disciplines (anthropologie, philosophie…) avec lesquelles les poètes n’ont jamais eu de rapports simples. Car enfin, quelle est la pratique essentielle d’un poète en dehors du monde et du langage ? ».
Pourquoi avoir débuté ce « passage anthologique » à l’aube des années 1960 ? « Ce n’est pas en vertu d’une simple commodité calendaire […] ; c’est au cours de cette décennie […] que va prendre corps de manière encore incertaine, partielle, souterraine, une mutation fondamentale regardant aussi bien la conception que les méthodes de l’écriture poétique, dans notre pays. À bien des égards, on peut même considérer que c’est une nouvelle crise de vers qui s’amorce alors, aussi profonde que celle ouverte à la fin du XIXe siècle par l’abandon du mètre ancien ».
Parmi les auteurs figurant dans Un nouveau monde, une découverte : Pauline Von Aesch, née en 1988. Voici – voir p.1440 et suivantes – quelques extraits de Nu compris (Nous, 2012) :
rapide avec des hanches en saccade
ou des mains fermées sur cela signifie
un tu perdu
te vider la contenance
te
imaginer assemblage d’organe qui
désire
je suis bouleversée par ton organisation
connue ou morte
qui claque
son accent sur l’os
de mon langage parle langage
sans savoir
qu’autre son corps
séparé s’appartient
d’être à peine le mime de mon propre langage
*
à cet t’autre
qui s’use le pluriel
geste mené sur le V de mon corps
dont je fais la réduction
laisse
me cacher dans la cuillère
incurvée O brise le V
*
tu dis je te touche violemment
alors et alors
c’est parce que je suis dans l’agression
de
ce que je veux te faire
moi-même je suis désolée
il y a 0 minutes
je rentre en limite
*
pour si peu de mien
creux de toi s’il se lance
se lève
rate le coche
file le vêtement
déchire le rideau
mais pas que
devient une chose à mordre
*
nous y voilà
Matthieu Gosztola
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