Un jour plus loin dans le jour, Thierry Pérémarti (par Murielle Compère-Demarcy)
Un jour plus loin dans le jour, Thierry Pérémarti, éditions Les Carnets du Dessert de Lune, janvier 2024, 60 pages, 7 €
Edition: Carnets du dessert de lune
Une écriture du flux… celui du souffle existentiel tout à son épure, parcourt ce recueil de Thierry Pérémarti publié aux éditions des Carnets du Dessert de Lune. Écriture du flux au sens où l’onde d’un mouvement semble porter et entraîner ici l’écriture du poète en marche vers l’inconnu au contact des aléas (« l’aléa de l’air / qui veut et va »). Comme un appel d’air parcourt le canevas de chaque poème composé au maximum de 32 mots et de 5 strophes, contrainte formelle dont le cadre augmente la profondeur des paysages entrevus par le lecteur et l’Infini du souffle poétique. « Frayer l’espace / et marchant sur le fil », le poète se tient et tient en équilibre ses mots « rameutant sentences, néant / sous tension », maintenant la mesure entre la contrainte qui emprisonne et l’appel au vif pour sortir du jour « irrespiré » (irrespirable : l’écriture a eu lieu lors du confinement de la crise sanitaire), afin de s’en extraire sans trébucher.
Le marcheur ne craint pas d’aborder chaque pli du millefeuille du Vivre : le vide, l’absence de sens, « l’ivresse meurtrie », la réouverture de plaies cicatrisées mais non disparues
je suis la lèvre
de tes premiers
baisers
l’ivresse meurtrie
rouverte la plaie
ne sachant
se taire
jurer, de ne
rien savoir
du sens des choses
La collection Lune de Poche, créée en 2023, propose des recueils de poésie relativement courts, contemporains, dont l’écriture vient percuter des représentations plus classiques de la poésie. Ici la contrainte formelle à laquelle s’est assigné le poète (pas plus de 32 mots ou 5 strophes par poème) se tient dans l’espace symbolique délimité du confinement de la crise sanitaire provoquée par la pandémie du Covid-19. Le défi de faire circuler le souffle poétique depuis l’espace irrespirable (« irrespiré » écrit le poète, un néologisme qui sonne avec « inespéré » ?) de l’emprisonnement commande à la topographie des poèmes (alignés à droite, près de la charnière : sur le bord, près de chavirer) ; commande à la composition ; aux mots épurés seuls « pain(s) de munition » en l’occurrence, au milieu des « mouvements inutiles ».
Défi réussi pour le poète qui, usant des mots en réserve dans cette situation existentielle et formelle contraignante, parvient à insuffler à ces poèmes l’élan vital préservé intact à la source de la ferveur de vivre.
Nos mots, sans hausser la voix
se diront
à qui veut bien
entendre
se perdront sublimes
larmes brûlées d’un ailleurs absenté
rayures d’un espoir
vibrant sous l’écorce
nos mots allumés d’attendre
Murielle Compère-Demarcy
Né en France et naturalisé américain, Thierry Pérémarti vit aux États-Unis depuis 1985 où il a été journaliste de jazz et critique pour des périodiques français et américains. Auteur de nombreux recueils de poésie entre 1976 et 1992, il a publié en 2009 Visiting Jazz aux éditions Le mot et le reste. Il est revenu à la poésie en 2018 avec des ouvrages confiés aux éditions Gros textes, Abordo, La tête à l’envers, Phloème, Douro et Les Carnets du Dessert de Lune [thierryperemarti.com] Il a publié chez Douro De nuits en nous nous n’avons plus dans la Collection « Présences d’écriture » dirigée par Murielle Compère-Demarcy.
- Vu : 897