Un jour comme les autres, Paul Colize (par Jean-Jacques Bretou)
Un jour comme les autres, Paul Colize, mars 2020, 512 pages, 8 €
Edition: Folio (Gallimard)Comme un avertissement, en incipit, on trouve inscrite cette phrase de Climats d’André Maurois : « L’amour supporte mieux l’absence ou la mort que le doute ou la trahison ». Puis on enchaîne, comme un opéra construit en quatre actes, avec une ouverture : « Quel sangue versato al cielo s’innalza… », le chant de la reine vierge interprété par Beverly Sills dans Robert Devereux de Donizetti, dont le sujet est la trahison d’Elisabeth, par le comte d’Essex. Placé sous le double signe de la trahison et de l’opéra, le roman de Colize nous promet semble-t-il frissons et chants conjugués harmonieusement jusqu’à se perdre dans ce qui pourrait être un final en grincements de violons. La note est donnée.
À Ranco, sur les bords du lac Majeur se languit Emily, traductrice et soprano. Son compagnon, Eric Deguide, professeur de droit, est parti un beau matin, le vendredi 14 novembre 2014, il y a 614 jours, au volant de son véhicule pour ne plus réapparaître. On a découvert ce dernier, de marque SAAB, dans le parking de l’aéroport de Zaventem en date du 19 novembre 2014. Tout aurait pu en rester là si un geek, Michel Lambert, n’avait, ayant ouvert un forum en ligne consacré aux affaires criminelles belges, hameçonné une personne Axe-L prête à lui faire des révélations. Il n’en suffira pas plus pour qu’Alain Lallemand, journaliste d’investigation et son collègue Fred flairant la bonne affaire, « réveillent » le mystère de la disparition Deguide et se mettent en chasse.
Entre l’Italie et la Belgique, lieux de prédilection de son héroïne, Paul Colize nous promène avec dextérité. Les chapitres, tantôt prose bien affutée, tantôt rapport de presse ou extrait de correspondance, sont courts, tenant le lecteur en haleine. Des références à l’opéra dix-neuvièmiste, Puccini, Wagner, marquent le rythme. Les personnages sont bien campés : Emily, le rôle-titre, conserve entre ombre et lumière une fraction de mystère ; tantôt déchiffrant des partitions, tantôt se laissant aller à son attrait pour la numérologie, elle finit par réfugier son âme malade d’amour entre les mains d’un prêtre.
Colize semble éprouver un penchant pour un certain romantisme qu’il exprime avec parfois dans des registres un peu trop suaves, un peu trop surannés et, dans les lettres du prêtre énamouré, franchement désuets.
On avait là un bon polar de facture classique, bien rythmé qui se trouve un peu gâché par un excès de préciosité et un final un peu bâclé. Un jour comme les autres se lit bien néanmoins.
Jean-Jacques Bretou
Paul Colize, né à Bruxelles d’un père belge et d’une mère polonaise, vit aujourd’hui à Waterloo. Il est l’auteur d’une douzaine de romans, dont Back Up (prix Saint Maur en poche 2013), Un long moment de silence (prix Landerneau Polar, prix Boulevard de l’Imaginaire et prix Polars Pourpres 2013), et Concerto pour quatre mains (prix Arsène Lupin 2016). Un jour comme les autres est son treizième roman.
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