Un Cri, chose et signe, Jean-Paul Michel (par Didier Ayres)
Un Cri, chose et signe, Jean-Paul Michel, éditions William Blake, janvier 2022, 8 €
L’être
Il m’a été difficile de trouver une approche de ce texte court et dense. L’ensemble constitué d’un dactylogramme corseté par des italiques, l’utilisation de crochets, de parenthèses, de guillemets, de points de suspension, d’interrogation, de décalages linéaires et d’une mise en page savante, se prête à la conjecture. L’entrée du lecteur se trouve armée par le poème tel qu’il se présente, c’est-à-dire, comme un ouvrage complexe. Cette escorte accompagne le « dit » de l’auteur, celui-ci prenant la place d’un aède ou d’un fou.
Cette poésie est d’abord architecture (prise dans le plan d’un architexte si l’on veut). Le lecteur est visiteur. Et cette demeure poétique augmente le liseur. L’agrandit. Lui offre des perspectives, des lignes de fuite, des arêtes, des fenêtres et des huis. Le texte est maison vivante.
Ici tout parle de l’être, du Dasein, signe de l’être commun avec celui de Heidegger, scansions du monde intérieur obtenu par un cri, par un signe, par une chose, par la liaison de l’homme avec le langage.
La langue procède par l’agencement de lumières cadencées, flashes où l’on reconnaît la profondeur d’un être, d’un poète qui va vers la page, qui reste silencieux juste ce qu’il faut. Jean-Paul Michel cherche l’art, l’éclat, comme le définit Jean-Marie Pontévia. Ici, l’articulation des poèmes est autant éclats (à la fois morceaux brillants et instants en suspens) que miroitements de l’esprit de l’écrivain, son inconscient en quelque sorte.
Surgissent quelques Séparés, absents au sérieux des morgues
ordinaires. – Qu’entendent alors même les sourds, sinon la voix
humaine à son plus haut, comme jamais é
mouvante et
pleine ?
Faut-il davantage expliquer ce que le lecteur ressent ? Car dès le titre, sa position est ambigüe : est-il témoin d’un cri qui par sa définition serait chose et signe – leçon de choses –, ou bien les mouvements latents dans le poème sont-ils soit des cris, soit des choses, soit des signes, ce qui indiquerait un mouvement trine. Soit le cri est par essence un mouvement dans le signe ou la chose – et la liste des occurrences n’est-elle pas ici exhaustive ? Ce qui est avéré, reste la position active du lecteur qui achève le livre, qui peut le relire aussi pour retrouver ce qui lui échappe, ce qui lui est inconnu, où les plis du texte situent une aventure littéraire.
Didier Ayres
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