Trilogie de Corfou, Gerald Durrell
Ma famille et autres animaux et Oiseaux, bêtes et grandes personnes, traduits par Léo Lack, Le Jardin des dieux, traduit par Cécile Arnaud, avril 2014, 400, 352 et 304 pages, 14 € chaque volume
Ecrivain(s): Gerald Durrell Edition: La Table Ronde
Fuyant un maussade été anglais, la famille Durrell part pour Corfou, où elle restera cinq années idylliques, racontées par le plus jeune de la fratrie, Gerald. Âgé d’une dizaine d’années, le futur naturaliste évoque avec nostalgie son émerveillement pour la faune de Corfou. Féeries dans l’île : le titre choisi lors de la première parution française du volume inaugural de la trilogie (en 1958, chez Stock) rend bien compte de l’atmosphère enchantée de ce séjour qui semble baigné d’un éternel été.
Il masquait cependant la fantaisie et l’humour de l’ouvrage, rendu par la traduction ici littérale du titre anglais : Ma famille et autres animaux. Comme l’explique en effet Gerald Durrell dans sa préface, après avoir introduit les pittoresques membres de sa famille dans ce qui devait être un « exposé […] sur l’histoire naturelle de l’île », « ils s’y installèrent et invitèrent divers amis à partager avec eux les chapitres suivants ». Ce sont ces figures amicales qui dominent d’ailleurs le dernier volume, inédit en français, proposé par La Table ronde dans une traduction de Céline Arnaud. Les deux premiers volumes reprennent pour leur part dans une version révisée la traduction de Léo Lack, publiée pour la première fois aux éditions Stock, respectivement en 1958 et 1970.
Ma famille et autres animaux propose une narration d’abord suivie, pour relater l’installation dans l’île. Mais très vite, comme dans les autres volumes, les chapitres forment une série de saynètes qui peuvent être lues indépendamment une fois que l’on a fait connaissance avec les principaux personnages, et en particulier avec la famille Durrell, dont chaque membre est croqué avec beaucoup de drôlerie. Si la mère est délicieuse d’indulgence désabusée, la mise en scène iconoclaste de l’écrivain Lawrence Durrell par son malicieux petit frère est tout à fait irrésistible. Les chapitres mêlent découverte de la faune – avec là aussi quelques personnages marquants, comme Ulysse, le hibou petit duc, ou le chien Roger – et anecdotes sur la vie quotidienne de l’île ou la vie intime de la famille. Bien des péripéties naissent d’ailleurs de la cohabitation malaisée entre la passion pour les sciences naturelles de l’enfant et une famille mécontente de trouver des scorpions dans des boîtes d’allumettes ou des tortues disséquées sur la terrasse. Les Corfiotes fournissent également des scènes hautes en couleurs, comme lors de l’arrivée du roi de Grèce, tandis que les cocasses amis de Lawrence Durrell paraissent rivaliser dans l’art de provoquer des catastrophes.
Écrits dans un style fluide, ces livres à l’« humour aussi étincelant que caustique », pour reprendre les mots de Lawrence Durrell, sont aussi des livres sensibles et poétiques. Le premier volume est sans doute à cet égard le plus réussi, par l’équilibre entre la fantaisie et l’évocation des beautés de l’île qui lui donne un caractère plus contemplatif. La lecture de la trilogie dans la continuité fait bien apparaître quelques redites, dans les métaphores appliquées aux plantes ou aux animaux notamment, mais l’on quittera cependant bien à regret l’île et la famille Durrell. On ne peut donc que conseiller ces trois volumes légers et maniables comme livres de plage, et inciter La Table ronde à publier d’autres livres de Gerald Durrell, dont les traductions françaises sont pour une bonne part épuisées.
Ivanne Rialland
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