Tremble la nuit, Nadia Terranova (par Philippe Leuckx)
Tremble la nuit, Nadia Terranova, Quai Voltaire, février 2024, trad. italien, par Romane Lafore, 192 pages, 22 €
Ecrivain(s): Nadia Terranova Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)
Ce troisième roman de l’écrivaine italienne, originaire de Messine (elle y est née en 1978), après les beaux Les années à rebours et Adieu fantômes, revient longuement par la fiction sur une tragédie, celle qui a ravagé par un tremblement de terre les villes de Messine et de Reggio de Calabre.
Plongée dans l’histoire et les gravats de 1908. Plongée dans l’âme bouleversée des personnages qui ont vécu la catastrophe dans leur chair.
On suit les habitants, au plus près des événements, et surtout deux personnages centraux, ceux de Barbara et de Nicola.
Chaque chapitre est annoncé par l’une des figures du tarot traditionnel.
Les habitants errent au milieu des rues « saccagées », en quête d’un proche, dans l’attente de retrouvailles ou d’une aide bienvenue.
Nicola a perdu ses parents. Barbara trouve un refuge au couvent de Sainte-Thérèse.
A un moment de leur errance, ils se sont rencontrés.
« Nicola s’enfuit et l’homme lui courut après tandis que dans son dos des voix hurlaient que c’était lui qui avait causé le tremblement de terre, qu’il fallait qu’il meure pour les libérer du mauvais œil » (p.73).
« Parfois des femmes venaient nous rendre visite et j’acceptais (c’est Barbara qui parle) alors de leur parler. Un soir sœur Rosalba amena une Française qui voulait faire la connaissance de ces religieuses de Sainte-Thérèse dont tout le monde chantait les louanges » (p.107).
Pris en charge par une famille du nord qui l’adopte, Nicola Fera devient Nicola Crestani. Il est l’enfant inespéré pour cette famille.
L’histoire se clôt en 1919, les personnages principaux ont eu le temps de se retrouver.
Dans une langue superbe de retenue, la romancière réussit le tour de force d’évoquer en plein cœur l’événement tragique ainsi que les multiples retombées sur les survivants.
Pas un mot de trop, pas de sentimentalisme. Seuls les faits emportent le lecteur qui tente de trouver un sentier de lumière au milieu des ruines.
Un très beau roman, à la fois livre d’histoire personnelle et prenante, et plongée psychologique dans les âmes meurtries.
Une auteure à suivre, bien sûr, pour la profondeur de ses livres.
Nadia Terranova, née à Messine en 1978, est une romancière italienne, auteure de trois livres à ce jour : Les années à rebours (2016), Adieu fantômes (2019, Tremble la nuit (2024).
- Vu : 450