Ton père pour la vie, Antoine Silber
Ton père pour la vie, août 2015, 152 pages, 18 €
Ecrivain(s): Antoine Silber Edition: Arléa
Au nom du père
On gardait du premier livre d’Antoine Silber un souvenir ému. Dans Le silence de ma mère, qui paraît ces jours-ci en édition de poche (1), l’écrivain avait brossé le portrait tendre de cet être mystérieux et fragile qu’était sa mère. Après nous avoir emmenés sur l’île de Patmos qui lui est chère (2), il offre dans son troisième livre un magnifique et bouleversant récit autofictionnel qu’il consacre cette fois-ci à son père.
Ton père pour la vie, c’est un peu le livre que chacun d’entre nous voudrait écrire sur son propre père, pour peu qu’on l’ait aimé. C’est un livre sur Michel Chrestien – Jacques Silberfeld de son vrai nom –, le père du narrateur-auteur, mais aussi le roman des amours filial et paternel réunis, de ce qui se joue au cœur de cette relation, de ce qu’elle implique dans la construction de soi. C’est un roman sur la famille, sur les racines, qu’elles soient géographiques ou religieuses. Sur ce qu’il reste de l’histoire des autres dans notre propre histoire.
Le narrateur interroge ici la judéité et dessine même la définition de ce qu’elle est à ses yeux, de ce qu’elle a été pour son père et ses enfants. Cette définition tourne tout entière autour du Livre – le Talmud – et des livres, ceux desquels a été entouré toute sa vie le père d’Antoine Silber. Ceux qu’il a lus, qu’il a écrits, commentés ou traduits.
Ces questions universelles ne retirent rien à la beauté et à la sincérité du portrait que brosse l’auteur. Au contraire. Le livre vibre de l’amour et de l’hommage que le fils rend au père. D’ailleurs, les mots du père – extraits des 200 lettres qu’il lui a écrites – et ceux du fils se mêlent et viennent à édifier le plus beau des mausolées, celui « d’un homme plein d’humilité et d’une grande sagesse ».
La force de ce livre tient à sa vérité, à sa sincérité, à la puissance avec laquelle il s’est incontestablement imposé à l’auteur. C’est un livre sur la mort, certes, mais c’est aussi un livre de vie. Celle d’après la mort : quand on dit par les mots à ceux qui ne sont plus là qu’ils resteront avec nous autant que l’on vivra.
Arnaud Genon
(1) Le silence de ma mère, Arléa-Poche, 2015
(2) Les cyprès de Patmos, Arléa, 2014
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