Tom et le jardin de minuit, Philippa Pearce (par François Baillon)
Tom et le jardin de minuit, Philippa Pearce, trad. anglais, Cécile Lœb, 238 pages, 8,90 €
Edition: Folio (Gallimard)
En 1958, Tom’s Midnight Garden de Philippa Pearce reçoit la Carnegie Medal, prix prestigieux qui, depuis 1936, récompense chaque année un ouvrage destiné à la jeunesse. Le roman qui nous intéresse paraît pour la première fois en français en 1969, chez Fernand Nathan, et connaît des rééditions assez régulières depuis.
Son frère Peter ayant la rougeole, Tom Long se voit obligé de quitter le foyer familial et de vivre, pendant quelques jours, chez son oncle et sa tante, qui habitent au premier étage d’une grande maison à appartements. Malgré les bonnes intentions dont on l’entoure, Tom est amer et déplore qu’il n’y ait pas de jardin. Une nuit, incapable de s’endormir, il entend la très vieille horloge de l’entrée sonner treize coups. N’y croyant pas, il se lève et descend au rez-de-chaussée. La maison semble lui parler et l’inciter à ouvrir la porte de la cour : or, à la place de la cour, il découvre un immense jardin, joliment entretenu, sous un ciel d’été ensoleillé. Un endroit rêvé dont il va faire son refuge pour jouer. Un endroit étrange aussi, où les saisons peuvent s’écouler très rapidement, alors que quelques minutes à peine se sont passées lorsqu’il regagne l’entrée de la maison en pleine nuit.
Tom finit par rencontrer plusieurs personnes dans le jardin : celles-ci ne peuvent ni le voir ni l’entendre. Mais une petite fille fait exception : Hatty, plus jeune que lui, devient alors sa compagne de jeux. Au fil de cette amitié, des questions émergent : qui sont exactement les individus que Tom voit évoluer dans le jardin de minuit ? Ne sont-ils pas des fantômes ? Lui-même serait-il un fantôme, comme ose le dire Hatty ? Alors que les escapades dans le jardin se succèdent, il lui arrive de retrouver son amie au bord de l’adolescence. Et comme son séjour, déjà prolongé, s’apprête à finir, Tom décide de percer le mystère de l’horloge à treize coups et de la figure d’ange qu’on y voit.
Tom et le jardin de minuit est un roman fantastique de haute qualité, qui regorge de poésie et de rebondissements. Confronté à la question de l’évolution et du temps qui passe, Tom Long est un personnage éminemment attachant, qui est autant un vrai petit garçon, par son insouciance, son entêtement, son amour pour le jeu, qu’un enquêteur en herbe. Au premier regard, on peut dire que Philippa Pearce célèbre la légèreté de l’enfance sous l’aspect favorable d’un printemps éternel : faux printemps éternel ! Dans sa progression, ce même voyage nous montre un paradis qui se perd, et l’aventure se révèle de plus en plus profonde et mélancolique (les dernières scènes se passent en hiver). Chaque étape se vit alors comme un pas prudent qu’on pose sur l’herbe d’un jardin énigmatique : en vérité, n’assiste-t-on pas en direct à l’évanouissement de toute chose, des vieux mobiliers précieux, des voix qui paraissent familières, des personnalités qu’on n’aura jamais connues et qui viennent à notre rencontre, malgré nous ? Face au constat de la disparition et du changement, la romancière dresse, avec une grande délicatesse, le portrait d’une jeunesse dans toute sa sensibilité et sa luminosité – comme un vœu d’immuabilité. Le Temps, qu’il soit lent ou fulgurant, est le thème central de ce livre, magique en tous points, considéré à juste titre comme un chef-d’œuvre de littérature enfantine. Ayant déjà connu plusieurs adaptations au cinéma, au théâtre et même en BD, il y a tout lieu de penser que Tom et le jardin de minuit a encore de belles chances de traverser le temps.
François Baillon
Philippa Pearce (1920-2006) reçoit la Carnegie Medal en 1958 pour Tom’s Midnight Garden, précédé par un premier roman, Minnow on the Say. Elle fut, entre autres, scénariste pour la BBC et éditrice. Elle est l’auteure d’une trentaine d’ouvrages, majoritairement destinés à la jeunesse.
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